Dans ce récit de 2005, sous forme de lexique et de fragments qui semblent paver le chemin pour un projet littéraire beaucoup plus vaste, Emmanuel Venet, psychiatre lyonnais féru de musique et de littérature, montre avec poésie et humour, comment sa carrière de psychiatre trouve ses racines dans ses souvenirs d’enfance, son désir de dominer le piano – ce qu’il appelle sa névrose pianistique.

En quatre parties – Vadémécum de sémiologie médicale, Premières esquisses d’un traité des ondes, Névrose pianistique, quelques précisions, et enfin Imprécis de thérapeutique – ce livre forme un miroir poétique des fantasmes, des conversations entendues et des croyances d’enfants sur le corps et la maladie. L’auteur évoque ses après-midis d’enfance quand, cloué par une angine sous sa couverture, il échappait à l’école pour plonger dans les livres, des dimanches bien réglés et marqués par l’ennui dans les jardins familiaux, l’évocation d’un monde sur le point de disparaître, au tournant des années 1970.

Ce Précis de médecine imaginaire est aussi celui de l’apprentissage de l’humilité du psychiatre face à la maladie, qui reconnaît la lucidité du malade en dépression, un refuge contre la réalité impensable du monde, et comprend le paranoïaque, dont la maladie plonge « ses racines dans une monstrueuse soif de justice, de pureté et de victoire, ce fonds commun de l’enfance que déçoit, défaite après défaite, la vie. » Emmanuel Venet, avec modestie et humour, partage l’évolution de sa propre névrose pianistique, quand adulte il accepte enfin l’imperfection, la possibilité d’une erreur ou même d’une défaite dans une interprétation, longtemps perçue comme une lutte avec l’instrument, une tauromachie.

[Myopie] «J’apprécie d’être myope. Au moins, quand on me bassine trop, j’enlève mes lunettes, et renvoie les gêneurs aux brumes préhistoriques d’avant mes six ans. Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’un petit meurtre, ni plus ni moins.»

[Saturnisme] « Sous ce nom splendide se cache une maladie médiocre, l’intoxication au plomb. La Faculté essayait de nous y intéresser en nous parlant de Van Gogh et des pinceaux maculés tenus entre les dents, des ciels hurlants et de l’oreille offerte à une putain, sans oublier les derniers plombs tirés dans les blés d’Auvers. Elle nous signalait aussi les vieux marchands de journaux du temps de la linotypie qui, matin après matin, se léchaient un doigt, victimes finalement de la toxicité des habitudes. »
MarianneL
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le 19 oct. 2013

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