Plus profond que l'horreur
Maxime Chattam est un peu seul dans l’hexagone, seul à être allé explorer les terres d’un genre jusqu’ici dévolu aux seuls écrivains made in U.S.A. Qu’il est alors agréable de constater qu’en matière de thriller et de serial killers, il n’a rien, absolument rien à envier à ces collègues écrivains d’Outre-Atlantique.
C’est avec bonheur coupable et plaisir honteux que l’on plonge une nouvelle fois dans le monde de Maxime Chattam, un monde noir, puant et écœurant fait des pires horreurs dont l’animal humain peut se montrer capable. Pour varier un peu les plaisirs, il déplace cette fois son histoire dans l’espace-temps en la situant, suppose-t-on, sur les plages de Normandie en plein débarquement de 1944. Des meurtres effroyables sont commis, des meurtres habités par tout ce que l’humanité peut porter de vices et d’amoralité. Le lieutenant Freewin des MP’s est chargé de l’enquête et va se trouver confronté à un tueur d’une intelligence et d’une perversité rares.
Peut-être Maxime Chattam pose-t-il plus de questions que d’habitude dans ce livre, sans forcément y apporter de réponses. Il n’apporte en fait aucune réponses, soit qu’elles n’existent pas, soit qu’elles sont trop difficiles à entendre. Il nous renvoi tout d’abord notre propre image de lecteur de ce genre d’ouvrage qui constitue presque une analyse perverse de l’horreur humaine. Il pose la question, comme parfois auparavant, d’une animalité primitive qui n’aurait été que mise en sommeil par la civilisation. Une civilisation qui ne représenterait finalement qu’un frêle point d’équilibre entre l’humain et l’animal.
Il y a du vrai dans le résonnement de Chattam, que certains soupçonnent d’avoir du goût pour cette perversité qu’il dépeint avec une précision quasi-gourmande, Stephen King en son temps a subit le même procès et a suscité autant de fantasmes. Dans Prédateurs, les crimes sont non seulement atroces (Lecter à côté est un débutant) mais décrits avec une précision insoutenable ! Si on se pose des questions sur la personnalité de Chattam, il faut s’en poser sur celles de ses nombreux lecteurs. C’est néanmoins une des questions auxquelles il tente de répondre ici, les profilers et autre « amateurs » de crimes monstrueux sont-ils eux-mêmes des pervers ayant trouvé, provisoirement, un exutoire aux vices qui les habitent ?
Comme à chaque fois que l’auteur de Prédateurs replonge dans le thriller qu’il pratique si bien, il nous laisse sonnés, sur le carreau avec beaucoup de questions sur ce que nous sommes et représentons. Sur notre rapport à l’innommable et surtout, sur notre rapport à cette gourmandise qui nous habite lorsque nous nous retrouvons confrontés à cette horreur qu’il nous a décrite pendant plus de 500 pages et que, pas une fois, nous n’avons songé à refermer le livre, rongés par la honte.