Critique de Shaynning
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
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le 23 oct. 2022
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Incontournable Janvier 2023
Cet album, dont le bleu profond du fond fait ressortir le rose fluorescent du sujet, impose par sa taille et fascine par son contenu aussi magnifique que mystique. Voir le monde à travers un filtre ou un tiers, ce n'est pas comme le découvrir soit-même. C'est un des messages forts de cet album.
Dans ce monde imaginaire, il est dit que la première née de la famille royale va un jour devoir passer une épreuve qui la connectera à l'Esprit Totem, lien entre les humains et les animaux. En vue de ce jour, elle est contrainte à certaines choses. Elle ne peut marcher, elle se déplace dans une sorte de litière, doit faire de longues heures de méditation, alors même que résonne le rire de ses soeurs jouant dans le palais. Quand le jour vient, elle doit faire fit de tous les stimulus extérieurs afin de se connecter avec l'oiseau qui incarne l'Esprit Totem, et alors qu'elle le rencontre enfin, l'émerveillement fait place à l'horreur, quand elle assiste à la chasse d'un lapin. le goût métallique du sang, le regard épouvanté de la petite bête et son petit corps déchiqueté reste donc la dernière chose qui lui reste de ces paysages verts qu'elle a exploré avec l'esprit. La désormais Princesse Totem revient à elle dans son palais, mais les réjouissances de son succès ne comble pas tous les coeurs de joie. En effet la princesse sent soudain vide. Il ne lui resterais donc plus qu'à couler des jours heureux dans son palais, témointe de son règne. La princesse décide alors de prendre son propre envol et quitte le palais, pour voir et découvrir elle-même ce monde vert de ses yeux et de ses pieds.
Il y a quelque chose de beau dans cette histoire où une future souveraine décide de rompre avec la tradition pour faire les choses à sa façon. Il y a quelque chose de beau dans son soucis de se faire une idée par elle-même, avec son propre corps et donc, ses propres sens. C'est spécialement vrai quand on voit à quelles privatisations elle était soumise au nom des traditions.
Et il est bon de voir une nouvelle représentation de cet archétype qui a si mal vieilli, celui de la "princesse", relégué au rang de fille stupide et superficielle, aussi inutile que peu flatteur. Ce n'est pas du tout ce qu'on a ici. Ici, on a une jeune fille qui a des responsabilité et des devoirs, elle a une fonction importante, qui n'a d'ailleurs aucun lien avec un quelconque homme. Ajouté à cela sa sagesse et sa capacité à voir au-delà de son rôle pour chercher une façon de l'assumer à sa manière, franchement, quel bel archétype, j'espère qu'on en aura plus à l'avenir. Voilà le genre de "princesse" que j'adore voir.
Pour les profs qui veulent faire un parallèle avec cette histoire avec leurs élèves: demandez-leur s'ils connaissent des situations où les gens attendent des choses de nous, mais qu'une fois accomplies, on se rend compte que cela ne nous rend pas pleinement satisfait ou heureux. Par exemple, dans le monde du sport, dans le choix d'une discipline ou d'un projet, dans une situation de groupe aussi, de l'ordre de la responsabilité qu'on y occupe. Quand les autres ont des attentes pour nous et qu'on y met tout notre coeur et nos efforts, ce peut être confrontant et perturbant d'arriver au bout d'un projet et de ne pas trouver ce qu'on espérait y trouver ou de réaliser que l'émotion qu'on attendait n'est pas celle qu'on ressent. Mais comme la princesse Totem l'illustre bien, il nous importe alors de se donner les moyens de corriger la situation, de l'adapter à nos besoins, d'aller peut-être à contre-courant de la norme même. Par ailleurs, cela peut avoir du bon, cela peut initier une nouvelle façon de faire. Surtout, comme ce projet nous concerne, nous avons donc un droit de regard sur lui. Aussi, demandez leur si leur est arrivé de se faire raconter des choses sur un sujet, mais quand ils ont vu ce sujet de leurs propres yeux, ont eu un avis différent. Comme je le mentionnais plus haut, avoir un filtre comme un écran ou une illustration, ou alors un tiers comme une personne, qui sont impliqués entre nous et le sujet, ça ne reviens pas au même que de le voir soi-même. Demandez leur d'élaborer là-dessus, exemples à l'appuie,
Je retrouve dans ce monde tout de roses décapants et de bleus riches un peu des croyances autochtones d'Amérique du Nord, avec ses plumes, ses contact avec les esprit et le terme "totem" bien sur. Mais il y a aussi un peu des croyances du Népal avec cette idée de divinités féminines vivantes qui ne peuvent fouler le sol, sont soumise à des interdits, comme le jeu, et sont vêtues de somptueuses tenues. On les appelle "Kumari", et existent encore aujourd'hui, je vous invite à lire à leur sujet. Les vêtements aussi on quelque chose d'asiatique, ainsi que les parures et coiffures. Enfin, cet espèce d'oiseau rappel un oiseau de légende, avec ses airs d'oiseau de feu, qu'on retrouve dans plusieurs folklores sous différents noms. Une chose est sure, ce monde imaginaire est de toute beauté.
Compte tenu de son texte relativement long et poétique, et le degré d'abstraction requis pour comprendre le message qui sous-tend l'histoire, nous le plaçons en troisième cycle primaire ( 10-12 ans), mais les plus jeunes du second cycle, 8-9 ans, pourront sans doute apprécier les jolies illustrations et cette princesse aussi belle à l'intérieur qu'à l'extérieur. Reste que même si on ne comprend pas l'aspect plus "quête de soi", reste que c'est une aventure, celle d'un fille devenue, l'espace d'un court moment, un oiseau légendaire, qui découvre pour la première fois à quel point le monde est vaste et beau.
Une belle trouvaille en ce début d'année, juste après une fait pour la même maison d'édition, "Solveig", du duo Bernard et Roca, que je vous invite à découvrir aussi.
Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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Créée
le 19 janv. 2023
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