Parfois les bouquins de vulgarisation pour enfants sont intéressants même pour les adultes. Parfois, non. Ici, dommage, c’est non.
Ce n’est pas mal fait. J’imagine que c’est agréable à lire pour un-e gamin-e. (Oui, voilà quatre repas que je ne mange plus de viande, alors je féminise tous les mots qui peuvent l’être, sans parenthèses parce que les parenthèses sont phallocrates.) Entendons-nous bien : je parle ici d’un-e gamin-e qui aime lire, un-e gamin-e qui accepte l’idée de passer plus d’une seconde sur une image qui ne soit pas animée, un-e gamin-e à qui un adulte a fait découvrir une bibliothèque ou dont les parents peuvent et veulent bien passer dix-sept balles dans un livre – bref, un-e enfant de prof. (Je ne sais pas s’il fallait féminiser prof-e.)
Comme, après tout, l’un-e des auteur-e-s du livre se prénomme Pierangélique, appelons Célestine ou Titouan l’enfant lecteur-trice fils-fille de prof, pour plus de vraisemblance. (Les enfants d’instits – de professeur des écoles, pardon –, c’est différent : l’enfant d’instit apprend à faire des gâteaux dans sa cuisine, quand l’enfant de prof participe à un atelier de bonbons artisanaux organisé par le musée. (L’enfant de pauvre ouvre un paquet de chips. L’enfant de cadre du secteur tertiaire apprend à réchauffer une pizza passé 20 heures 30.))


« Célestine, Titouan, venez voir, les marmots. (Fallait-il écrire « marmot-te-s » ? En tout cas, pas de point d’exclamation : en privé, le-la prof ne crie pas.)
– Qu’est-ce qu’il y a ? (Oui, l’enfant de prof obéit.)
– Regardez, un livre pour vous sur la photo d’actu. (Le-la prof exige que ses élèves écrivent football au lieu de foot dans les copies, mais en privé abrège volontiers, pour rester à l’écoute des jeunes générations.)
– On l’a déjà lu, tu sais bien. On l’a même apporté pour le montrer à l’école. (Oui, très tôt, l’enfant de prof maîtrise la différence entre amener et apporter. Il fait part de ses trouvailles culturelles à son instit. (L’instit trouve ça mignon les deux premières fois, puis préférerait qu’il-qu’elle apportât des gâteaux, ou à la rigueur des bonbons artisanaux. (Bon, ici, l’imparfait du subjonctif, c’est juste pour la déconne.)))
– Et il vous a plu ? (Le-la prof, on l’a dit, est à l’écoute des jeunes générations, surtout de sa jeune progéniture. Il-Elle considère même parfois que l’avis de ses marmot-te-s compte autant que le sien.)
– Oh, il est moins intéressant que le Doisneau qui est à la maison. Il faut dire que ce n’est pas la même optique : Doisneau c’est de la photo d’art. Dans Prises de vue, il est question de saisir pour les expliciter les codes plus ou moins implicites qui sous-tendent la construction de l’image d’actualité. Cela dit, qu’il s’agisse de photo d’art ou d’actualité, la personne derrière l’objectif vise à saisir un présent qu’elle sait voué à la disparition. » (Très tôt préparé-e à l’oral d’histoire des arts du brevet, voire au bac, l’enfant de prof pontifie volontiers ; le raisonnement dialectique lui est du reste tout à fait habituel. (L’enfant d’instit trouve Prises de vue pas mal, mais préfère le livre de recettes de gâteaux du rayon voisin. (L’enfant de pauvre et l’enfant de cadre du secteur tertiaire sont allés voir les Blu-Ray.)))


Pour cette photographie du paysage culturel de 2017, ne me remerciez pas.

Alcofribas
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le 7 juil. 2017

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