L'analyse est très bonne mais reste légèrement trop descriptive, à mon goût. Le concept de producérisme utilisé tout au long du livre fait l'objet d'une première partie entièrement historique (qui fait la moitié du livre), et qui donne l'impression que ce concept peut recouvrir à peu près n'importe quelle idéologie politique depuis la Révolution industrielle. Le caractère producériste de certaines idéologies politiques est parfois présenté en seulement trois ou quatre pages, ce qui laisse un sentiment d'inachevé. La Révolution française, Proudhon et Roosevelt sous tout autant producéristes, ok Michel, mais explique-nous pourquoi un tel point commun est possible ? Qu'est-ce qui fait que l'idéologie producériste est séduisante, qu'elle parait cohérente a priori mais qu'au fond, elle ne l'est pas ? Va au bout, Michel ! Le concept de critique tronquée du capitalisme présente dans la Critique de la valeur me paraît signifier à peu près la même chose, mais en théoriquement plus approfondie. Cet essai a cependant l'intérêt d'apporter de l'eau au moulin de la Wertkritik d'un point de vue historique.
Michel Feher a compris les ressorts du discours du RN et a la qualité de ne pas rechigner à assumer que le vote RN est un vote plutôt réfléchi, d'adhésion, et non un vote purement hasardeux ou je ne sais quoi. L'analyse du présent politique dans la seconde partie du livre est précise et me paraît plutôt juste. Les ressorts des différents votes, électorats et stratégies des partis politiques les plus importants sont examinés page après page avec une intelligence certaine. Il y manque cependant un petit quelque chose, peut-être une plus grande prise de hauteur ou une meilleure articulation entre les deux parties de l'essai afin de mieux satisfaire le lecteur.