Hadot & Ado, sont sur un bateau...
Lorsque la philosophie m'a été introduite – en terminale – en grande pompe (7h par semaine), j'ai immédiatement nourri à son égard un ressentiment tenace : quelle était sa raison d'être, à cette discipline qu'on m'assénait ainsi, brutalement, à doses presque mortelles, sans le moindre vaccin préalable ? Tel l'enfant auquel on impose un petit frère qui va diviser l'attention parentale, je me suis instantanément insurgé.
Je pourrais rejeter la faute sur un professeur douteux qui n'a pas su intéresser l'élève un rien turbulent que j'étais alors. Mais la vérité, c'est que je n'étais pas prêt. Et surtout, ceci ajouté au caractère supra-scolaire de son enseignement (la chasse à la note) m'en a dégoûté pour de longues années. Je me posais finalement des questions d'ordre philosophique sur la philosophie, sans en trouver les réponses, sans les chercher longuement non plus.
Et dire que tout ce temps, elles étaient ici ! « Qu'est-ce que la philosophie antique ? » répond, à mon sens, à une question bien plus actuelle : « Pourquoi la philosophie ? ». Question jamais formulée concrètement dans mon cerveau malade qui la refoula impitoyablement, il s'ensuivit une réelle névrose à base de haine pour cette discipline. Oh, j'aurais dû être mis sur la voie bien avant : la haine n'est jamais que de l'amour perverti.
Aujourd'hui je découvre avec bonheur ces petites histoires de philosophies antiques : écoles, figures, pensées, but, tant de choses passionnantes. Et passionnant aussi de se retrouver au détour d'une ligne, dans telle ou telle idée, et à l'inverse d'en rejeter d'autres, plus ou moins gentiment, parfois même avec affection.
Trêve de bavardages. Ce qui fait la réelle force de ce livre, c'est sa formidable accessibilité, alliée à la solidité d'un travail de recherche bien universitaire. Miam ! Ça se lit comme un roman d'aventures, c'est une merveilleuse introduction à la philosophie antique (aspect historique propre, lien avec quelques aspects de leur pensée, lien avec la pensée générale de la philosophie...), mais surtout à la philosophie tout court. Si un jour j'ai à recommander une introduction à la philosophie, un premier contact, ce sera « Pierre Hadot, ou Comment comprendre simplement la raison d'être du discours philosophique ; non, ce n'est pas pour offrir à ta moyenne du bac un coefficient huit d'incertitude ».
Aujourd'hui je me dis qu'il y a quelque chose de fondamentalement malade dans l'enseignement de la philosophie au lycée : l'absence de préparation, et son introduction dans un cadre d'examen. Parce que en terminale, on s'en fait une montagne du bac, sans comprendre que c'est une formalité, ce qui a pour influence une perversion complète du principe premier de la philosophie : elle n'est plus enseignée comme science de la vie, comme « amour de la sagesse », mais bien comme « amour du discours », la distinction que souligne Hadot à travers la pensée de ses philosophes grecs.
Je me demande ce que ces derniers auraient pensé de tout ça. À la suite de quoi je me demande comment nos chers agrégés de philosophie sont formés.
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