- Monsieur, vous n'êtes plus propriétaire ! Vous serez possesseur, désormais.
- Ah ! Mais qu'est-ce que ça change ?
- C'est-à-dire que vous n'avez plus le droit de posséder, vous n'en avez que l'usufruit.
- Vraiment, monsieur. Je ne comprends pas. Chacun pourra-t-il donc user de tout selon sa volonté ?
- Pas exactement, voyons ! La volonté n'existe plus dans ce monde, c'est l'autorité de la loi, c'est-à-dire la nécessité, qui justifie les usages !
- Mais cette loi, qui n'est la volonté de personne, comment pourrait-elle être juste ?
- Je vous l'ai dit, mon pauvre ! L'autorité de la loi, c'est la justice, la justice, c'est l'égalité, vous ne croyez donc pas à l'égalité pour prétendre qu'elle ne pourrait être juste !
- Ce n'est pas ça, veuillez excuser mes faibles lumières. Il me semblait seulement que l'égalité ne pouvait pas garantir la justice, car elle n'est pas un principe d'action.
- Principe d'action, que voulez-vous dire par ce mot ? Nous sommes métaphysiciens, pas physiciens ! Pour tout principe d'action, il faut une cause de ce principe, c'est cette cause que nous appelons égalité. Ainsi voyez-vous que tout revient à l'égalité, vous commencez à devenir impertinent avec toutes vos remarques.
- Excusez-moi, là n'était pas mon intention. Je comprends bien que l'égalité est votre principe fondamental et que nous ne saurions vous déposséder de votre foi, mais qu'en serait-il si je ne partageais pas ce principe ?
- Quoi ? Vous refuseriez de reconnaitre l'égalité ? Qui êtes-vous pour vous croire aussi supérieur ? Même Dieu est le symbole de l'égalité ! Et vous, vous voudriez consacrer l'inégalité. Vous êtes donc ennemi de l'humanité. Ainsi, vous ne serez plus possesseur, vous serez mort !
- Ah ! J'étais certain que nous arriverions à ce point, qu'il en soit ainsi, donc ! Mais cher ami, ne soyez pas fâché que je vous tue le premier.