À Somanges, la maison familiale est devenue trop grande depuis que le père est mort et que les enfants, devenus parents à leur tour, n'y passent plus tout leur temps. Ils s'y réunissent une dernière fois à la veille de la vente et, dans les pièces vides, résonnent déjà des propos anodins mais chargés de sous-entendus.

« Si Somanges était notre socle, la terre s'est ouverte quand nous l'avons vendue. Tout l'amour enseveli. » Saul, page 61

Deux ans plus tard, la famille se réunit à contre-cœur et surtout pour faire plaisir à leur mère, en Grèce où Saul, l'aîné, a acheté une maison. Sur les terres de leurs ancêtres, c'est non sans une certaine appréhension que les Saul (directeur d'un grand quotidien), Hélène (nez réputé) et les jumeaux Réna et Élias (dont la trajectoire professionnelle est loin d'être transcendante) se retrouvent. Au programme, rancœur et révélations sur le mystérieux accident dont on parle à demi-mots et sur le cousin Dimitri.

Pourtant pas friand d'histoires de famille, de secrets, de non-dits, de tensions sous-entendues, de scènes sans mouvement, d'histoires où il ne se passe pas grand chose quoi, j'ai été touché par le roman de Kéthévane Davrichewy.

D'abord parce que la langue est belle. Elle donne envie de s'attarder sur les mots, les phrases, les pages, de profiter de chaque instant pour savourer la délicatesse de son écriture. Sans jamais tomber dans le pathos ou la grandiloquence, elle fait raconter le récit par les quatre frères et sœurs eux-même. D'abord Saul, déjà sur l'île, ensuite par Hélène avant et après son arrivée, enfin par les jumeaux, d'une seule voix, sur le bateau alors qu'ils sont à deux doigts des retrouvailles.

Ensuite parce que les l'occasion pour chacun de raconter l'état d'esprit actuel autant que les souvenirs. La peur des retrouvailles autant que les actes passés ayant entraîné des tensions entre eux. Chacun y va de sa version des faits, de ses impressions sur la jalousie d'untel et l'amour d'un autre.

« Quel besoin avons-nous de rester en contact ? Couper, est-ce possible ? Sectionner les fils qui nous ont tenus en vie ? Théâtre de marionnettes. Quelqu'un soudain lâche le cordon, et nous retombons comme des bouffons inanimés. Mon père était-il le marionnettiste ? » Saul, page 33

Enfin parce que grâce aux deux précédentes chose, c'est un joli voyage que l'on fait à leurs côté, malgré les tensions. Un voyage subtil, touchant et finalement agréable à travers le temps et les sentiments d'une fratrie qui n'a pas toujours été épargnée par les drames. Un des plus beaux romans de la rentrée pour le moment.

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le 10 févr. 2014

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