Manichéisme crasse ou le cadeau empoisonné

Wow.
Je me rends compte finalement que je lis assez rarement de tels étrons. C'est après tout un choix. J'ai lu il y a plusieurs années de cela des livres de Musso, en me disant que c'était plutôt mauvais, sans chercher à pousser le vice plus loin, mais non sans souligner que lire ce genre de bouquins était le signe d'une décrépitude intellectuelle.
Il faut dire que je crois que j'ai toujours estimé (à raison il semble) qu'écrire une critique sur un livre de Musso était purement et simplement une perte de temps.
On m'a offert pour la "blague" à mon anniversaire un livre de Musso.
Je n'ai pas vraiment goûté la blague (pas du tout en fait), mais je me suis dit que je pouvais me fendre de lire un bouquin de Musso pour en faire une critique un peu plus constructive qu'un simple rejet catégorique.
Critiquer un très mauvais livre, c'est comme critiquer un très bon livre, c'est souvent assez compliqué parce qu'il y a une vraie part de subjectivité dans l'exercice.
Le reste, ce n'est jamais que redire ce qui déjà été des milliers de fois sur ces livres...
Mais après tout, puisque je me fends d'une critique, je vais y aller de ma propre cuiller.
Le plus gros reproche que l'on peut faire à Musso réside principalement dans le style. Évidemment, il n'y en a pas, sinon des choix de raccourcir au possible les phrases et le "superflu" (qui est la matière de tout bon livre) pour ne laisser place qu'à l'action.
Un livre de Musso, c'est un peu comme un scénario de blockbuster auquel on aurait rajouté quelques mots pour décrire ici un acteur, ici une voiture. C'est d'autant plus amusant qu'à cette pauvreté de la description se rajoute une surcouche de détails histoire de bien faire comprendre à son lecteur de quoi il veut faire parler. Il faut être honnête, Musso sait à qui il a à faire, ce n'est pas tellement qu'il prend ses lecteurs pour des idiots, mais c'est que, depuis le temps qu'il en écrit, il ne doit plus rester qu'eux pour le lire, aussi, ici, on nous fourre en travers de la gorge les dates de l'action, et, pour bien souligner son époque, Musso nous donne quelques petits rappels historiques digne d'un manuel d'histoire d'école primaire (C'est la France de Chirac : ouh la la... effectivement c'est profond comme détail historique).
Les scènes "d'action" sont totalement clichés, mais là encore, Musso connaît son lecteur, et lui offre des scènes "adaptables au cinéma" (hey après tout il a eu un prix pour ça...). C'est d'ailleurs pour ça que Musso est incapable d'ancrer ses histoires ailleurs qu'aux Etats-Unis. Là encore, il sait qui il cible, la société de consommation de masse.
Le niveau de Français est exceptionnellement bas, n'importe quel lycéen pourrait écrire un livre de cette teneur, et le choix des temps employés est parfois simplement foireux (on ne comprend parfois pas bien pourquoi il passe du passé simple au présent, mais hey, à ce stade, on est plus à ça près...).
Pour ne pas trop perturber le lecteur, et, au même titre qu'un Zola ou un Hugo ancrer son roman dans l'époque, Musso nous détaille le monde en usant des objets du quotidien. Là encore, connaissant son lectorat, les héros écoutent des "ipod", utilisent des "macbook". Un bon consumérisme assumé qui bien sûr, n'est pas l'occasion de souligner les travers de notre société, mais simplement de situer les personnages (qui eux aussi sont tout aussi crasse que leur auteur).
Musso a aussi à ses multiples talents le sens de la formule, et là encore, il y a des perles dignes du journal intime de ma nièce de dix ans. Allez, pour se faire plaisir "Car l'amour et la mort n'ont que deux lettres de différence", "Car votre âme sœur est aussi votre âme damnée". Je vous passe les autres.
Ce qui est drôle c'est que tous ses personnages ont la même manière de s'exprimer, Musso tente de ci de là de filer des tics de langage à certains de ses personnages mais ça ne prend pas, c'est... mauvais.
Le pire reste finalement ce manichéisme crasse et qui donne envie de se fracasser la tête contre les murs.
Musso tente vainement de mettre de la noirceur dans son roman, tout en sachant qu'évidemment, il faut que ça finisse bien. Alors la prostituée de l'Est qui est une camée n'a pas touché l'argent de l'homme qu'elle aimait (n'allons pas essayer d'expliquer à Musso le concept d'addiction, ce serait malvenu), et de même, dans le grand final mystique cher à Musso (toujours mettre un peu de fantastique dans ses bouquins, ça permet d'en mettre une bonne couche dans le sentimentalisme et la bêtise), tout le monde se sacrifie sur l'autel de la justice et de la joie.
En gros, on est chez Oui Oui, ou même le méchant est gentil en fait, et en fait, les gentils sont gentils, et et...
Évidemment, voilà on pourrait en écrire des caisses, mais je référerai à l'excellente critique en douze chapitres écrite sur ce site même qui "résume" plutôt bien le problème des livres de Musso.


J'ai appris deux choses en lisant ce livre :
La première, en voyant ses pages pliées, est que le livre qui m'a été offert n'a pas été un nouvel achat, et, plutôt que d'en être vexé, j'ai apprécié le fait de pouvoir sans être déplacé me dire que je pourrai le rendre à sa propriétaire dès que je le pourrais.
La seconde, est qu'effectivement, pour reprendre une formule célèbre, si à trente ans tu apprécies "vraiment" de lire un livre de Musso, tu as raté ta vie (au moins littéraire...)

Linio
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le 27 juil. 2014

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Linio

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