Qui a tué l'homme-homard ? est un roman policier caustique, bigarré et bien fichu. Savoir qui est le meurtrier ne m'intéresse généralement pas vraiment - c'est d'ailleurs pour cette raison que j'en lis aussi peu - et la solution de ce meurtre ne m'a pas beaucoup plus motivé que d'habitude, même si elle est habillement amenée. Mais l'intrigue policière sert ici une autre motivation : analyser les ficelles du genre, en décrypter les codes, en critiquer les ressorts, et se lancer dans un autoportrait du romancier en écrivain de polars, non dénuée de dérision et d'humour.
J.M. Erre n'a peur de rien. S'il n'hésite pas à se moquer des romanciers, il n'épargne pas non plus les handicapés - pas ceux qui vivent en province mais ceux qui végètent dans un fauteuil roulant, surtout s'ils bavent ou ont le regard vide. Et si cela peut sembler politiquement incorrect, je vois plutôt les choses sous un autre angle : pour une fois, quelqu'un parle des handicapés et en fait même les personnages principaux d'un roman de genre. Habituellement, on n'en parle pas, tout comme on les cache dans la vraie vie. Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous vous êtes retrouvé assis à côté d'un handicapé au cinéma ? Près d'un trisomique au restaurant ? Face à un type en fauteuil dans le métro ? Que vous avez croisé un aveugle au supermarché ? Certes, là, le ton est impertinent. Mais en faisant de Julie un personnage comme un autre, l'auteur a le mérite de sortir le handicap du placard dans lequel la société, qui se targue d'être inclusive mais ne l'est que sur le papier, l'avait enfermé avant de jeter la clé.
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