Quitter les monts d’automne
Emilie Querbalec Albin Michel L’imaginaire
La force de l’écrit n’est plus à démontrer. Outil de communication, de transmission, l’écrit permet aussi de garder en mémoire et de passer aux générations futures une parole, une pensée, une idéologie qui survivra à sa génitrice ou son géniteur. La force de l’écrit n’est plus à démontrer tant les témoignages historiques pullulent lors de prise de pouvoir par des dictateurs qui n’ont eu de cesse alors de détruire les écrits. Qu’arriverait-il si l’écrit était complètement banni, interdit ? C’est le parti pris emprunté par Emilie Querbalec dans « quitter les monts d’automne », son nouveau roman paru chez Albin Michel, dans la collection « l’imaginaire ».
Petite fille de la célèbre conteuse Lasana, Kaori vit avec sa grand-mère dans les monts d’automne au 132e siècle. L’écrit y est interdit comme partout dans les mondes du Flux. Quelle ne sera pas sa surprise de recevoir à la mort de Lasana un rouleau de calligraphie. La danseuse des monts d’automne voit alors sa vie basculer et son dessein changer en une quête de savoir et de vérité qui l’emmènera à travers les univers, bien loin de la quiétude des monts. Elle a besoin de ce que cache ce parchemin, même si cela fait d’elle une paria dans les mondes de la parole.
Disons-le tout net, j’ai adoré ce roman de science-fiction qui en un peu plus de 400 pages déconnecte le lecteur du monde réel. Emilie Querbalec, autrice francophone née au Japon nous embarque dans ce monde de la parole et fait évoluer son récit initiatique d’un style « oriental fantasy » au space opera en passant par le roman d’exploration. Belle performance ! Le lecteur colle aux basques de Kaori, la narratrice du roman, embarquée dans une destinée qui ne semblait pas être la sienne, elle à qui le Dit se refuse. Le récit chemine à son rythme sans laisser présager de son issue. On peut noter des interactions très intéressantes entre Kaori et Vif Argent, l’interface veillant sur Aymelin, autre rencontre essentielle pour Kaori. Emilie Querbalec questionne aussi en filigrane le pouvoir de la transmission, qu’il soit écrit ou oral, mais aussi intergénérationnel et pourquoi celles et ceux qui contrôlent les organisations n’ont de cesse de vouloir en contrôler les flux. Si les écrits restent comme dit l’adage, gageons que celui d’Emilie Querbalec soit partagé avec le plus grand nombre…