Arrivé dans les dernières pages de Rabalaïre, je me suis fait la réflexion que je n'avais jamais rien lu de tel ! Pourtant j'en ai lu des livres mais là, plus de mille pages d'un seul tenant, sans fin de chapitre pour caler son marque-page, sans même les deux sauts de lignes qui parfois séparent un chapitre en plusieurs parties plus petites, là aussi pratique pour faire une pause. Rabalaïre, c'est une narration sans début ni fin, à la première personne du présent, c'est un quotidien assez déroutant dans les méandres duquel nous sommes entraînés presque malgré soi. Au début, c'est à vélo que Jacques nous entraîne sur les pentes du Col de l'homme mort et poursuit son rêve cycliste, puis ce sera, l'hiver et le froid arrivant, en voiture ou à pied. Jacques ne peut pas rester en place, il a une bougeotte d'enfer et toujours une gaule qu'il découvre chaque fois, émerveillé par sa vitalité !
Rabalaïre, c'est de la littérature de l'extrême. C'est l'histoire d'un mec qui poursuit son phallus, jamais intéressé par autre chose que le destin de sa semence, jamais vraiment préoccupé par autre chose que cet endroit magique, Gogueluz, village imaginaire situé dans une région montagneuse indéterminée. L'action se déroule en continue dans un triangle Gard, Clermont-Ferrand, les Pyrénées. Ceci dit, les distances ne semblent pas préoccuper beaucoup le personnage principal.
Dans Rabalaïre, il y a beaucoup de monde, des personnages que Jacques nous décrit toujours avec précision, guidé par l’intérêt érotique que chacun d'eux présente, qu'il soit jeune ou vieux, homme ou femme, gendarme, paysan, curé ou islamiste radicalisé. Jacques se définit comme homosexuel, mais ça n'est pas si simple, il est bien autre chose, il se découvre peu à peu comme tout sexuel, tout phallique.
Au-dessus de Gogueluz il y a une forêt dans laquelle il se passe de drôles de choses, il y a des endroits dans lesquels vivent des hommes et des femmes sans âge, sans eau courante ni électricité. Des plantations dans lesquelles poussent des plantes dont je ne vous dirais rien de plus sinon qu'elles attisent les convoitises.
Pour terminer cette mise en bouche, sachez qu'Alain Guiraudie à écrit un millier de pages assez facile à lire, le langage n'y est pas alambiqué, nous frôlons même le langage parlé de Céline. Ce n'est pas par la langue que Rabalaïre nous ensorcelle mais par la magie du monde tel que le narrateur le perçoit et le vit.