Second des trois recueils de nouvelles de Greg Egan édités au Bélial et aujourd’hui republiés au Livre de Poche, Radieux, tout comme son prédécesseur Axiomatique, présente les aspects les plus intéressants de l’auteur australien. Si Egan a une réputation pas totalement injustifiée d’aridité scientifique dans ses romans, ses textes courts lui permettent de varier les thèmes, évitant le plus souvent les tunnels de jargon qui lassent une partie des lecteurs.
Composé de dix textes, le recueil commence avec Paille au vent. Une jungle génétiquement modifiée sert de refuge à des cartels de la drogue et à des scientifiques désireux de travailler sans entraves. Un agent spécial est envoyé dans cette jungle pour éliminer un chercheur qui s’y est réfugié. Un récit plutôt réussi qui aborde l’un des thèmes centraux de ce recueil : la réaction de l’humain face à une augmentation artificielle de ses capacités. On retrouve le même thème dans Monsieur Volition, peut-être le texte le moins intéressant de la sélection, et surtout dans Des raisons d’être heureux, magnifique et tragique récit d’un homme, qui, touché par une tumeur au cerveau dans sa jeunesse, a perdu toute notion de plaisir jusqu’à ce qu’on lui propose un traitement miracle. Sa redécouverte de l’allégresse, voire du bonheur, ne se fera pas sans difficultés.
Autre sujet cher à Greg Egan : la croyance et plus précisément son interaction avec la science. Dans L’Eve mitochondriale, face à la conviction généralisée de l’existence d’un être unique à l’origine de toute l’espèce (un Adam ou une Eve), un scientifique lance un programme de recherche combinant un grand nombre de génotypes à la recherche d’une corrélation. Texte intéressant, même si la position du chercheur rationnel qui a raison seul contre tous est à la limite de la caricature. Plus humaine, la scientifique de Vif-argent, enquêtant sur la transmission d’une nouvelle maladie, découvre au sein de communautés isolées un culte lié à ce virus. Egan fait partager au lecteur les doutes voire la détresse de la chercheuse ainsi que son incompréhension vis-à-vis de la vénération de l’infection dans cette nouvelle poignante.
Je ne passerai pas en revue tous les autres textes, mais arrêtons-nous sur les deux récits les plus hard-science : Radieux et La plongée de Planck. Le premier utilise une informatique radicalement différente pour défricher de nouveaux espaces mathématiques et ainsi mener une lutte avec une intelligence extra-terrestre. Le deuxième nous fait rejoindre une équipe scientifique du futur pour explorer un trou noir via des clones. Si les deux textes déversent de nombreuses lignes de sciences à la limite du compréhensible, Radieux s’en sert pour développer une réflexion palpitante et profondément originale là ou La plongée de Planck n’aboutit qu’à un désert aride pour la plupart des lecteurs.
Que les réserves que j’émets sur ce texte ne vous arrêtent pas : si la science est fortement présente dans la plupart des nouvelles du recueil, elle n’est souvent là que pour développer des thématiques profondément humaines, pour explorer des consciences, pas pour faire retourner le lecteur à son cours de physique. Greg Egan est peut-être le meilleur nouvelliste de SF de ces vingt dernières années juste derrière Ted Chiang ; Radieux, après Axiomatique, en est la confirmation.