Pétain 2052

Roman dystopique, Ravage raconte la mégalopole parisienne de 2052. La civilisation est marquée par l'inutile : plus rien n'est naturel. Toute la vie est aseptisée par ce développement technologique monstrueux et tentaculaire. Une panne d'électricité brise l'apparente stabilité de ce monde, de là s'opère un retour au monde pour les vivants, les vrais.

Le roman décrit la descente aux enfers de ce monde et de ses citoyens : incendies, maladies. La panne d'électricité conduit à un retour à l'état de nature, celui d'Hobbes, de l'homme contre l'homme. Les hommes s'organisent et se battent pour l'accès à l'eau et à la nourriture. Ils doivent réapprendre à vivre.

Le personnage de François est comme le portrait inversé de cette société déliquescente. Lui sait le réel, il sait vivre. Avec lui il traîne un groupe d'hommes nouveaux à qui il apprend véritablement à vivre et à survivre. Cette nouvelle naissance est matérialisée par la fuite de Paris.

À mon sens, le voyage constitue la partie la plus réussie du roman. Déjà par la cruauté de l'écriture qui n'épargne personne et rend compte de la cruauté du nouveau monde sauvage, et qui par contraste souligne d'autant plus la condition de servilité dans laquelle étaient tombés les hommes. Mais surtout, le voyage permet à Barjavel de déployer toutes les pleines potentialités de son écriture. Sans jamais être trop pompeuse, la langue s'ouvre au mystère de la nature, ouvre à la méditation poétique, au rêve d'un monde fantasmé et d'un ordre naturel du monde.

Une fois la région natale atteinte, justement, il me semble que Barjavel couche ses fantasmes sur le papier. François s'instaure comme chef d'une société patriarcale marquée par un retour à la terre qui n'est pas sans faire penser aux idéaux pétainistes contemporains du roman. François organise un retour aux sources : un monde organique quasi-néolithique où le groupe prime sur l'individu.

La machine détruite, l'homme est redevenu homme.