Pas la peine de faire durer le suspense très longtemps : Reamde est un mauvais bouquin. C'est même l'un des pires bouquins que j'ai lu ces dernières années. En général, j'évite de lire les machins un peu flonflons à la Tom Clancy, les trucs d'Américains réactionnaires traumatisés par le 11 septembre ayant plutôt tendance à m'énerver qu'à attirer ma compassion. En général, j'évite. Là, je me suis fait avoir... Neal Stephenson est l'un de mes auteurs préférés, et les thèmes abordés dans ce bouquin avaient de quoi me faire saliver. MMORPG, Colombie britannique, héros geek... Tout était parfait, du moins sur le papier. Enfin, pas vraiment sur le papier, car ce roman est un torche cul, à peine digne de figurer dans un tourniquet de la gare du Nord. Un torche-balle écrit par un mec qui à la chiasse : 1100 pages, mazette, quel beau caca vous nous avez fait là Monsieur Neal !
Le début est chiant, aussi chiant que peut être une réunion familiale qui n'en finit pas de durer. Sur une centaine de pages poussives et malhabiles, l'auteur sue sang et au pour essayer de rendre sympa son personnage principal. Pas de chance, ont se rend très vite compte que Richard Forthrast est à peu près aussi charismatique qu'un relevé de compte en banque le 28 du mois. Arrivent les personnages secondaires, avec lesquelles Stephenson est un peu plus aise. Puis arrive le moment rageant : celui où l'on voit que Stephenson est loin d'être un idiot, qu'il sait écrire et, surtout, qu'il a de bonnes idées. La description de son MMORPG fictif-bien que très inspiré de WoW- et de toutes les facettes sociales et économiques qui s'y rapportent, offre des pages absolument passionnantes et novatrices. Ce n'est pas vraiment de la littérature, plutôt un excellent pensum sur le jeu en ligne, réalisé par un observateur extrêmement avisé et philosophe, avec en plus un twist marketing vicelard et bien amené. C'est le bonheur sur presque 200 pages, bien que cela soit plus un régal sur le fond que sur la forme. Puis Stephenson repart dans le monde réel, et là, c'est le drame. C'est vraiment mauvais, avec des séquences d'action pathétiquement mollassonne, inutile et mal construite. 300 pages pour grimper dans un bateau, il fallait le faire, et c'est assez remarquable de voir à quel point Stephenson tire à la ligne comme un mauvais pigiste, remplissant de vide et déséquilibrant complètement une histoire que l'on croirait écrite par un plagiaire de Ludlum.
Pire, Stephenson, habituellement un mec intelligent et fréquentable, accumule des clichés politiques, raciaux, religieux et géographiques comme un animateur de radio redneck populiste. Les vilains terroristes musulmans semblent être des personnages tirés d'une enquête de TF1, la Colombie Britannique est un endroit montagneux où rôdent des cougars (l'animal, pas la femme, les personnages féminins étant traités ici comme des objets de convoitise gaffeurs et/ou sexuellement boulimiques, à l'instar de ce que peut penser un individu découvrant le sexe avec les skyblogs et YouPorn), les survivalistes vivent dans des camps perdus dans les montagnes et sont les derniers vrais Américains. Les jeunes Chinois sont tous de gros joueurs débrouillards, le jeu vidéo est un espéranto magique permettant à un hacker, forcément d'Europe de l'Est, de communiquer avec des militaires russes à l'accent aussi épais que ce bouquin.
Reamde se termine aussi mal qu'il commence, et je suis encore stupéfait de lire le nom de Stephenson sur la couverture de ce roman de gare mal équilibré, aux situations et aux personnages stupides, au scénario profondément débile. Je l'ai terminé parce que je l'ai payé, mais putain qu'est-ce que ça a été dur... Une grosse perte de temps, qui arrive quand même à être mémorable : il s'agit d'un très mauvais roman, écrit par un auteur pourtant incroyablement talentueux quand il le veut. Stephenson avait tout le matériel pour réaliser un Cryptonomicon 2.0 et se plante de manière magistrale. Comme quoi, un bon écrivain de SF peut etre nul en fiction.