Excellente surprise que cette oeuvre a priori mineure dans la production de Nabokov. Certes, Regarde, regarde les arlequins ! ne révèle pas une nouvelle facette du génie de son auteur, et n'a rien de révolutionnaire, ni dans sa forme ni sur le fond quand on connaît (ne serait-ce qu'un peu) le reste de son oeuvre. Mais pourquoi bouder son plaisir ? Jamais aussi à l'aise que quand il parle de la volupté, Nabokov retrace, à travers l'itinéraire amoureux du narrateur, Vadim Vadimovitch, écrivain russe exilé, une vie qui rappelle bien souvent la sienne propre. Car dans sa toile scintillante et pailletée, Nabokov mêle éléments autobiographiques, pure fiction, fantasmes, couleurs flamboyantes, visions enchanteresses, jeux de mots, allusions plus ou moins cachées à ses œuvres précédentes ("Camera Lucida", Dolly sur ses genoux...), dans une langue magnifique - combien de phrases immédiatement relues, pour se pénétrer de leur saveur exquise ? Peut-être, alors, tout cela n'est-il rien d'autre qu'un ultime bégaiement un peu vain, mais l'habileté avec laquelle Nabokov tisse les thèmes qui lui sont chers, et la tendresse avec laquelle il semble considérer son oeuvre et sa vie, sans, surtout, oublier une seule fois le plaisir du lecteur, m'ont fait passer un excellent moment. Que demander de plus ?