1. le Père, La génitrice et Eléonore, âgée de 5 ans, cohabitent dans une petite ferme au fin fond de la campagne française. La culture de la terre, l'élevage des bêtes, seuls moyens de subsistance, rythment la vie des protagonistes. le Père s'épuise aux champs tandis que la génitrice use d'un droit de vie ou de mort sur tout être vivant dans les lieux. L'homme malade et fatigué, fait alors appel à un neveu, Marcel, pour le seconder puis très rapidement le remplacer. Eléonore, auprès de l'adolescent, grandit en harmonie avec la nature, les saisons, les animaux et vit, enfin, de rares et précieux moments d'insouciance. Mais la guerre éclate. Marcel part au front. Contre toute attente, Marcel en revient, métamorphosé par l'horreur et la violence. Eléonore et Marcel bâtissent, sur ces bases fragiles, une exploitation porcine devenant au fil des décennies, un élevage industriel.


Je découvre Jean-Baptiste del Amo avec Règne Animal qui m'a été judicieusement conseillé. La puissance de l'écriture est impressionnante. La richesse du vocabulaire, les descriptions détaillées, s'appuyant sur une documentation évidente, ainsi que l'équilibre narratif en trois parties, donnent au fond, riche et dense, une envergure exceptionnelle.
L'auteur aborde à travers ce 4ème roman de multiples problématiques, la principale étant celle du déséquilibre que l'Homme impose constamment à la nature. Il transpire du texte, le dégoût de del Amo pour une humanité qui s'obstine à détruire, dans une totale illusion du « toujours mieux, toujours plus », jusqu'à en oublier l'existence de ce processus formidable de création qu'est la Vie. Si la création et la destruction se déchirent dès les premières pages, c'est cette dernière qui sera à l'origine d'une certaine libération.
Les événements, terribles, sont relatés en usant d'un vocabulaire redondant, abusant de synonymes en cascade, renforçant l'aspect glauque des situations, ce qui permet d'en mesurer toute l'horreur.
Le roman est sombre, triste, noir.
La nausée saisit parfois.
Les pages laissent dégueuler toute l'ignominie dont est capable l'être humain envers la faune mais aussi envers lui-même.
Si Del Amo a choisi le cochon comme l'animal dominant de son histoire (jusqu'à ériger l'un deux en un personnage-clé en 2ème et 3ème parties), ce n'est pas pour rien. L'animal est réputé intelligent, pourvu d'une conscience de soi. Tout ce qui le caractérise et fait sa force à l'état sauvage est incompatible avec un élevage industriel. Les convois d'animaux, dans des conditions ignobles, évoqués lors du récit de la guerre 14-18, rappellent ceux de la déportation du conflit mondial suivant. Le départ des porcs pour l'abattoir ne peut faire penser qu'aux conditions de l'extermination dans les chambres à gaz. C'est là la volonté de l'auteur de créer un perpétuel parallèle entre maltraitance animale et folie meurtrière humaine. Et ce sera le cas jusqu'à l'issue de l'histoire.


Et pourtant.
L'amour de Del Amo pour la Vie est présent partout. L'amour, la tendresse, l'indulgence, la compassion, la compréhension, la solidarité s'entendent à l'évocation de l'enfance et de l'adolescence des protagonistes. L'enfance, cette période où l'insouciance règne encore, où tout est encore possible, où l'Homme est capable du meilleur. A chaque page, l'animal, l'insecte, la fleur, la céréale, les éléments, investissent les lieux, flirtent avec la jeunesse, donnent à la vie tout son intérêt et sa force. L'amour s'exprime par une caresse sur la tête d'un chien, par la fidélité d'un oiseau pour un personnage, par le corps à corps d'un enfant et d'une couleuvre. Ces instants-là, poétiques, renforcent d'autant plus la noirceur du récit.


Du roman, émerge également la quête d'identité, thème prédominant dans l'oeuvre de l'auteur. Parce que ce roman, c'est aussi l'histoire de personnages au passé compliqué, marqués par les événements, rongés par les secrets, prisonniers de leur condition, écrasés par la filiation. Cette approche psychologique terriblement humaine, essentielle pour comprendre le déroulement des événements, fait de Règne Animal un roman magistral.


En conclusion, je ne voudrais pas réduire Règne Animal à une propagande pour des mouvements de lutte contre la maltraitance animale (Jean-Baptiste Del Amo ayant rejoint en mars 2016 la L214) parce qu'il est bien plus que cela. C'est une histoire d'Hommes, avec toute ses attentes, ses errances, ses contradictions, bref sa complexité face à une nature fragile qu'il nous faut impérativement laisser libre…au risque de nous perdre.

EvaScardapelle
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le 26 juil. 2021

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Eva Scardapelle

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