"Remèdes désespérés", voilà bien un titre mystérieux.
Moi, ce qui me désespère et sans que j'y puisse trouver de remède, c'est que chaque roman lu de Thomas Hardy étête encore un peu plus la liste déjà pas si longue des romans de l'auteur qu'il me reste à découvrir. C'est dire si je savoure chaque page, essayant de freiner au maximum mon ardeur à les tourner fébrilement.
Thomas Hardy a trente ans lorsqu'il écrit ce second roman - le premier qui sera publié - alors, fatalement, on n'y trouve pas encore la maturité pleine de gravité de "Jude", de "Tess d'Urberville" ou de "La Bien-aimée". Par contre, s'y dévoile un style plein de talent, savoureux, pointu et qui aime déjà à s'attarder sur des paysages campagnards tout en saveurs et sur l'astre solaire qui, à l'instar de tous les autres, a fasciné Hardy toute sa vie et qui teinte ces mêmes paysages de couleurs aussi diverses qu'émouvantes.
Je m'avance à décrire "Remèdes désespérés" comme un roman hybride, tout en complexité. Roman d'initiation, roman psychologique, roman policier, roman à suspens, voire roman fantastique, tenant parfois presque du roman gothique, et devant sans doute beaucoup à l'ère romantique. Normalement, ici, vous devriez être particulièrement intrigué(e) par un tel pot-pourri... Pour moi, cette recherche de diversité traduit avant tout l'ambition de Hardy d'inscrire d'emblée son roman parmi les grands romans, ces romans qui provoquent chez le lecteur de fortes émotions et le laissent marqué d'une impression peu commune qui s'inscrira dans son souvenir pour longtemps.
Owen et Cytherea sont orphelins. Frère et soeur sans situation pécuniaire ni position sociale, ils vont être amenés à se faire respectivement engager en qualité d'assistant architecte et de dame de compagnie. A peine sont -ils au fait du mystérieux passé affectif de leur défunt père que le hasard va les pousser dans une voie singulière dont ils ne possèdent pas toutes les clés de compréhension, et où la manipulation, la dissimulation et l'ambition constituent les traits caractéristiques de leur nouvel entourage. Un environnement qui laisse peu de place à l'amour et à la vérité, sentiments auxquels ils sont pourtant très attachés.
"Remèdes désespérés" porte en lui une grande modernité, ne serait-ce que dans le traitement de l'action qui va de la séduction au crime, et si les portraits de ses personnages sont moins empreints de la psychologie qui caractérise les protagonistes des autres romans de Hardy, ils n'en demeurent pas moins intéressants et attachants.
Un classique à ne pas laisser tomber dans l'oubli.