Et quand le couperet de la sentence tombe, l'épuisement demeure.

Il y avait quelques temps déjà que je n'avais pas écrit une critique sur une oeuvre littéraire ou cinématographique. Dans ces drôles de vacances, aucun livre ou film ne m'inspirait l'envie de me livrer à de longues minutes d'écriture et l'inspiration m'avait littéralement quitté. Pour compenser ce syndrome de la page blanche, je me plongeais volontairement dans l'oeuvre d'un des auteurs qui m'a permis de produire de nombreuses critiques et ce avec un plaisir certain : James Ellroy. Dans Reporter Criminel, le maître incontesté du roman noir américain se plonge et revisite de manière incroyablement poétique et passionnante deux affaires criminelles dans deux nouvelles distinctes : l'affaire Wylie-Hoffert et l'affaire Sal Mineo. Ces deux grandes enquêtes criminelles, qui avaient marqué profondément les années soixante et soixante-dix par l'assassinat de deux jeunes femmes dans un appartement new-yorkais et de celui d'un acteur homosexuel très connu dans un Los Angeles en pleine effervescence, sont appréhendées par l'écrivain James Ellroy qui fait de ces dernières des petits bijoux littéraires. Ici, point de supercherie ou de réécriture de l'histoire, mais un chef d'oeuvre d'un courant littéraire américain, le True Crime, dans lequel le narrateur omniscient, par l'intermédiaire de faux rapports d'enquête, vit le commencement des affaires, leurs péripéties et leurs dénouements. Le défi est magnifiquement relevé par l'auteur qui nous tient en haleine tout au long de ces très courtes nouvelles.


Bien sur, ces nouvelles sont des prétextes pour James Ellroy de laisser libre court à son grand talent littéraire. Ce dernier réussit à trouver dans des faits divers sordides, prenant place dans des sociétés rongées par le racisme, la corruption et les inégalités sociales, une fibre artistique qui ne saute pas aux yeux dans un premier temps. L'auteur sublime le morbide pour en faire une oeuvre d'art : outre son talent incontesté pour le roman policier, James Ellroy ne se contente pas de faire vivre ses protagonistes et les rebondissements des enquêtes. Il met au point une véritable mécanique, rapide et efficace, qui permet de réanimer des mondes disparus. Par un style toujours aussi épileptique et profondément cynique, tout fait de variations de registres et de phrases coupées à la serpe, l'auteur réussit par une apparente version light de ses romans extraordinaires à créer une forme de poétique du polar, toute faite de mélancolie, de solitude et de nostalgie d'univers oubliés. Terminons sur ces paroles magnifiques qui, derrière une fausse narration, sont d'une justesse incroyable : Parmi les appelants, nombreux étaient ceux qui n'avaient laissé que leur prénom. Nous les avons comparés aux noms et aux numéros de téléphone du carnet d'adresses de Sal. Nous avions annoté le carnet, de la première à la dernière page. Nous avons repéré les noms accolés aux termes "passe" et "ancien amant" en suivant le cours du temps jusqu'au 12 février 1976. Tout cela était sinistre et trahissait une profonde solitude. Les appelants se sentaient seuls. Sal se sentait seul. Nous nous sentions seuls aussi, comme des pauvres types en mal d'affection qui attendent un coup de fil au bout de la nuit. [...] Cette affaire toute entière était sinistre et marquée du sceau de la solitude.

PaulStaes
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le 12 sept. 2019

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Paul Staes

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