Reverberator par BibliOrnitho
George Flack est le correspondant permanent du Reverberator à Paris. Canard mondain, le journal est friand de tous les potins et ragots que ses journalistes peuvent dégoter sur les riches américains expatriés ou en visite sur le vieux continent. George Flack a toujours une oreille qui traine. Sa nature, comme sa profession, le pousse à poser d’incessantes questions à ses interlocuteurs. Avec lui, tout ce que vous direz pourra être retenu et publié.
Mr Dosson et ses deux filles sont en villégiature depuis des mois dans un hôtel huppé. Ils se plaisent beaucoup à Paris et sont suffisamment à l’aise financièrement pour pouvoir en profiter largement. Francie, la cadette, est fort jolie. Un très beau parti pour l’homme qui saura la conquérir. George Flack est son principal soupirant. Il n’a, selon toute probabilité, pas l’étoffe nécessaire pour pouvoir espérer quoi que ce soit. Mais la famille est moderne et libérale. Et tellement riche qu’un mariage d’amour est envisageable. D’autant que Mr Dosson apprécie la compagnie du journaliste qui prend soin d’eux et leur fait visiter toute la ville.
Le lecteur accorde de réelles chances au jeune homme quand un autre candidat entre en lice : Gaston Probert. Américain francisé, il vit à Paris avec toute sa famille. Une famille appartenant à la très haute société dans laquelle on trouve quantité de comtesses, de duchesses et autres baronnes. Lui aussi tombe amoureux de Francie et souhaite l’épouser.
Le lecteur s’attend à assister à un combat de coq quand le correspondant du Reverberator est rappelé en Amérique par sa direction, perdant ainsi la bataille avant même d’avoir pu la livrer. Gaston, seul prétendant, fait sa cours et Francie l’accepte pour fiancé. La famille Probert n’est pas emballée, mais les Dosson sont après tout américains, très riches, et apparemment convenables. L’autorisation est donc donnée à Gaston.
C’est sans compter sur le destin : George Flack reparait sur la scène parisienne. Fidèle à son métier, il fait parler la jeune Francie qui livre au cours de la conversation les secrets les mieux gardés de sa future belle famille. Le journaliste se frotte les mains. Il a matière à un papier sensationnel. Et de sensations, il ne manque pas d’en faire à sa parution dans le Reverberator : la famille Probert est scandalisée.
De mariage, il n’est évidemment plus question !
Ah ces journalistes et leurs viles habitudes : toujours à fouiner, à mettre leur nez là où il ne devrait pas, à écouter aux portes, à raconter, à publier, à médire. Voire à diffamer. C’est la naissance de l’odieuse presse mondaine, thème qui sera repris quinze ans plus tard lors de la parution en 1903 de la nouvelle « Les Journaux » (http://www.senscritique.com/livre/Les_Journaux/critique/35028565).
Le Reverberator, c’est aussi le retour du thème phare de Henry James : les relations entre le nouveau monde et le vieux continent. Entre l’Europe – qui juge la jeune Amérique frivole et libertaire –, et l’Amérique qui trouve la vieille Europe conservatrice, austère et poussiéreuse. Les difficultés qu’éprouvent les couples mixtes et leurs familles. Les compromis, les accords, les conciliations ou les querelles, les disputes et engueulades de tout poil qui ne manquent pas d’éclater dans ces rapprochements.
Le Reverberator, c’est enfin une belle histoire d’amour. Celle de Francie et de Gaston qui doivent combattre leurs a priori et leurs fiertés pour parvenir à s’aimer. A prendre de la distance face à leur éducation, à leurs contraintes familiales.
Un texte évidemment magnifique et passionnant de bout en bout. Un très beau roman que je n’hésite pas à recommander à ceux qui souhaitent découvrir l’univers de Henry James.
A ce jour, un de mes romans préférés de l’écrivain américano-britannique.
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