Peu de temps après avoir rejoint le Ché à Cuba, Régis Debray a publié plusieurs articles pour défendre la révolution cubaine face aux trostkystes.
Ouvrage lu dans la petite collection Maspero, que je recommande.


Pour autant, le vocabulaire utilisé, avec la dualité objectif/subjectif, les références aux "conditions historiques", aux "contradictions internes du capitalisme", au "degré de conscience des masses" inscrit cet ouvrage dans la plus pure tradition de littérature marxiste, avec ce que cela peut avoir de rébarbatif par moment. En particulier quand il s'agit d'affirmer l'importance de la formation théorique des cadres.


L'ouvrage commence par un bilan des tentatives de guérillas qui ont suivi Cuba et qui ont échoué. Avec ce constat : le coup de maître qu'a été la révolution cubaine, rendu possible par l'effet de surprise, a également rendu plus difficile une imitation à la lettre. Ce début n'est pas facile, Debray renvoyant de manière assez implicite, voire hermétique pour le profane à diverses tentatives de révolutions en Amérique du Sud. Il s'agit cependant de montrer que le castrisme est l'avenir de la révolution en Amérique du Sud. En effet, les tentatives socio-démocrates, et la guérilla urbaine (belle analyse de ses conditions) sont des échecs. Par ailleurs Debray défend le castrisme, accusé par les trotskystes de blanquisme. Il affirme au contraire que le castrisme est un léninisme qui a bien compris les conditions de la lutte en Amérique latine. On trouve surtout une liste de huit leçons tirées des échecs de la guérilla, et chacune de ces leçons est clairement énoncée et convaincante, comme par exemple le fait de ne pas subordonner le foyer de guérilla à un parti installé en ville, dont les actions de la guérilla vont de toute façon rendre la vie invivable si un lien est établi entre eux. On est dans du traité politique à nu qui rappelle Le prince de Machiavel.


Les parties 2 et 3 sont moins intéressantes : la 2 revient sur les problèmes d'Allende, jugé trop mou, et sur le rôle de l'intellectuel. Au surplus, elles sont courtes.


La partie 4 est l'essai lui-même intitulé "Révolution dans la révolution". Il reprend et développe la théorie des foyers (focos) énoncé par le Ché dans son Guerre et guérilla. Le foyer de guérilla, d'une vingtaine d'hommes, est l'amorceur d'une révolution par étapes, qui va faire basculer les paysans, et donc les campagnes, dans le camp de la révolution. Par son cadre de vie très dure, la guérilla est par essence prolétarienne (déconseillée aux intellectuels non endurcis). Elle génère le parti de la révolution, mais ses initiateurs doivent déjà avoir une bonne formation théorique. Par sécurité, et jusqu'à avoir atteint une masse critique, elle doit être nomade.


Je ne vais pas recenser toutes les remarques de Debray, mais on sent une fascination pour son objet d'étude et une bonne connaissance des luttes ailleurs en Amérique latine (même s'il n'en révèle évidemment pas tout pour des raisons stratégiques).


Curieux livre donc que ce court, mais dense traité, qui compare au fonds les différents mouvements de guérilla pour en retirer des leçons avec l'espoir qu'ils se multiplient et soient victorieux. On se demande quel effet ferait un tel ouvrage en nos jours où questionner la légitimité des décisions du gouvernement vous vaut, à tout le moins, une volée de bois vert.

zardoz6704
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le 19 sept. 2020

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