Rhinocéros
7.2
Rhinocéros

livre de Eugène Ionesco (1959)

"Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous"

Dans un entretien paru en 1979, Ionesco expliquait : "j'ai voulu, dans mes pièces, exprimer ou révéler ce qu'il y a de monstrueux dans l'être humain. Je suis en quête de leur monstruosité, et aussi de la mienne, et c'est comme ça que les gens peuvent être dévoilés, en montrant ce qu'ils sont."

Avec "Rhinocéros", Ionesco nous porte au coeur de ce questionnement. La monstruosité est brillamment mise en scène par la transformation des personnages en pachydermes, en même temps qu'ils renoncent subtilement à leurs valeurs morales ou humanistes. Les discours à double sens, de plus en plus ambigus et tordus pour justifier l'inacceptable, sont l'une des grandes forces de cette pièce ("après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont droit à la vie au même titre que nous !").

Le parallèle avec "le dictateur" de Chaplin, paru 20ans plus tôt, ne semble pas inopportun ; mais si le cinéaste décidait de dénoncer le fascisme par le rire, en le ridiculisant, et terminait sur une note d'espoir en l'avenir, le dramaturge, lui, parait délivrer un message plus sombre : la mutation inévitable des personnages en rhinocéros, ainsi que la demi-folie de Bérenger, l'ultime résistant au final, n'augure rien de bon. Ionesco déplace donc la question de la résistance à la monstruosité vers celle de notre réaction face à son inéluctabilité.

La pièce, bien qu'intéressante à suivre, demande un réel effort de lecture, à cause des nombreux effets de scène (multiplicité des personnages, nombreuses descriptions scéniques, simultanéités des prises de parole, croisement des conversations). Elle se regarde sans doute beaucoup mieux qu'elle ne se lit, d'où son succès international en représentations. Je m'en vais consulter un pariscope de ce pas...
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le 29 août 2013

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