Poudre noire et vitriol : ça c'est la cuisine que j'aime !
Voilà un livre qui m'a laissé songeur une fois terminé. Ai-je trouvé cette lecture plaisante ? Distrayante ? Non, pas vraiment. En même temps là n'est pas l'objectif de l'ouvrage.
Car Rien ne nous survivra est le récit d'une guerre civile entre les Jeunes et les Vieux, une guerre imaginaire certes, mais si ancrée dans la réalité, si viscérale dans sa narration qu'on ne peut s'empêcher d'y croire. Le récit repose entièrement sur la dynamique entre deux protagonistes, Silence et L'Immortel, qui sont ennemis tout en appartenant au même camp (car ici un seul camp nous intéresse, celui des Jeunes, les Vieux n'étant que des soldats anonymes et monstrueux qui révulsent nos chers guérilleros post-adolescents). Chacun des deux personnages est lentement développé, le lecteur apprenant à mieux les connaître en même temps que les masques tombent et que les postures changent; la proie devient prédateur, la victime devient le persécuteur, jusqu'à ce qu'on ne sache plus lequel est le pire sociopathe.
Autour de ce duel morbide s'esquisse un Paris ravagé par les affrontements, fait d'ombres, de crasse et de ruine, où l'on court en tirant derrière son épaule pour mieux sauter sur une mine ou se faire descendre par un clan rival. Les impressions sont brèves, les descriptions, laconiques; pourtant l'atmosphère est là, parfaitement dépeinte et consistante d'un bout à l'autre du livre. On pourra reprocher à ce (relativement court) récit une trop grande linéarité, la narration à la première personne passant tour à tour et inlassablement d'un protagoniste à l'autre chaque fois que l'on termine un chapitre. Il peut en résulter une impression de monotonie, heureusement vite oubliée tant ce qui se passe dans les têtes de Silence et de L'Immortel s'avère à la fois drôle et terrible. Le style de Maïa Mazaurette est cru et haché, les dialogues comme les pensées sont écrites au vitriol et certains trouveront l'ensemble indigeste (ce dont je ne les blâmerai pas, puisque je soupçonne l'auteure d'avoir volontairement cherché à rendre son livre imbuvable).
Rien ne nous survivra mélange allègrement un portrait psychotique et angoissé de la jeunesse des années 2000, une critique de la peur du vieillissement, une réflexion sur l'héroïsme, et sur la fascination malsaine qu'un individu peut exercer sur un autre; le style comme les thèmes abordés ne plairont donc pas à tout le monde. Mais c'est aussi et surtout un livre qui raconte sous la forme exagérée d'une guerre sanglante l’incompréhension et l'antagonisme entre les jeunes générations et les plus âgées. Car l'histoire de l'Humanité n'est-elle finalement pas celle d'un incessante querelle entre Anciens et Modernes ?
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