Tara vient de perdre Emmanuel, son mari. Ce deuil va sonner l’entrée dans une phase de dépression pour la jeune femme qui ne se remet pas de cette perte et qui sombre lentement. Vont alors remonter des souvenirs de sa vie d’avant Emmanuel, alors qu’elle était encore Vijaya une petite fille heureuse auprès de parents aimants mais dont la vie va irrémédiablement changer. Un destin marqué par la guerre, un tsunami et une histoire d’amour qui fera d’elle une « fille gâchée ».
Dans ce livre qui explore les profondeurs de l’intime, Nathacha Appanah dresse le portrait d’une femme que la lutte a épuisé. Les drames terribles qu’elle a vécu dans son adolescence l’ont fragilisée. Car Tara/Vijaya a vécu une série d’épreuves terribles : la mort terrifiante de ses parents, l’enfermement dans un pensionnat pour « jeunes filles gâchées », des souffrances, des luttes puis cette dernière épreuve face aux éléments qui lui a permis de rencontrer celui qui est devenu son mari.
Celle qui a vécu une enfance libre, qui dansait, chantait, apprenait auprès de son père a vu son monde totalement détruit par la guerre et a compris qu’elle avait eu une enfance privilégiée dans un pays où les femmes n’ont aucune liberté.
L’auteure nous raconte ici, avec beaucoup de sensibilité et de subtilité, les dégâts psychologiques de ce que la jeune fille a vécu. Elle nous montre les failles que cela a créé et qui s’amplifient avec ce nouveau deuil qu’elle ne parvient pas à gérer.
Cette disparition va alors provoquer chez cette femme qui s’est construit un rempart contre son passé et ses traumatismes un véritable séisme, la plongeant peu à peu dans une sorte de folie provoquée par un trop plein d’émotions.
Nathacha Appanah joue habilement avec les contrastes entre la vie pleine de joie de Vijaya, les sons, les odeurs, les goûts, la douceur qui ont habité son enfance et la rudesse de ce qui va suivre, la douleur, la rugosité, la froideur qui vont l’accompagner avant sa rencontre avec Emmanuel sur lequel elle va se reposer. Elle suggère, plus qu’elle ne montre, faisant naître dans l’esprit du lecteur des centaines d’images des lieux que son héroïne traverse. En cela, le roman est très réussi car l’auteure ne tombe jamais dans un excès de descriptions et dose avec justesse ce qui est dit et ce qui est évoqué.