Charabia
Bro se prend pour Raphaël Georges
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« Nous, toujours nous »… aux amis près.
La mégalomanie chez l’écrivain, qui doit trouver à s’assumer, chez Cioran aussi, la mégalomanie qui met en marche l’écrivain, osons parler de mégalomanie douce dans le cas de celui qui redoute le narcissisme, pétri de doutes alors, tiraillé ; douce pour les autres, si possible, pas pour lui, qui voudrait tant que l’écriture soit autre chose, qu’elle soit à la fois beaucoup plus et beaucoup moins.
L’écriture n’a-t-elle pas été pendant des siècles la reconnaissance d’une dette, la garantie d’un échange, le seing d’une représentation ? Mais aujourd’hui, l’écriture s’en va doucement vers l’abandon des dettes bourgeoises, vers la perversion, l’extrémité du sens, le texte…
Roland Barthes parle de lui-même comme s’il était un personnage de roman.
Contradictions de la velléité d’écriture, plus qu’une impulsion alors, l’acte d'écrire est une de ses propres muses, le sujet de toutes les tensions, petite volonté de puissance exacerbée et réfrénée, comme on se fait tactique face à l’amour.
L'écrivain qui rêve de l'échange plus que tout, mais aussi de l'extrémité du sens, et du texte, tous les jours...
Rien de plus édifiant (et de passionnant, et de romantique) qu’un chagrin d’amour. Quand j’écris et que je partage je ne sais plus ce que je veux, je me sens plus que jamais double et je me sens devoir me métamorphoser pour avancer, sans le savoir je suis en train de me construire… je suis curieux d’où cela me mène.
Fonction politique aussi, quand on croit au langage, qu’il peut redevenir la garantie d’un échange, que ça demande du travail. Quand on sent le discours opprimé de toutes parts, par lui-même, par la loi du discours démagogique ou populiste, toute loi qui opprime un discours est insuffisamment fondée, et que l’on se sent parfois soi-même l’oppresseur du discours. Nécessité pour l’écrivain de se protéger, de chercher conseils chez les autres écrivains, d'en trouver donc dans l'écriture et dans la lecture (dans les livres, sur Internet, sur les murs…) pour assurer un minimum le terrible vol plané de l’Argonaute.
Image fréquente : celle du vaisseau Argo (lumineux et blanc), dont les Argonautes remplaçaient peu à peu chaque pièce, en sorte qu'ils eurent pour finir un vaisseau entièrement nouveau, sans avoir à en changer ni le nom ni la forme. Ce vaisseau Argo est bien utile : il fournit l'allégorie d'un objet éminemment structural, créé, non par le génie, l'inspiration, la détermination, l'évolution, mais par deux actes modestes (qui ne peuvent être saisi dans aucune mystique de la création) : la substitution (une pièce chasse l'autre, comme un paradigme) et la nomination (le nom n'est nullement lié à la stabilité des pièces) : à force de combiner à l'intérieur d'un même nom, il ne reste plus rien de l'origine : Argo est un objet sans autre cause que son nom, sans autre identité que sa forme
Roland Barthes alors est un bon coup de pouce dans ce voyage, dans le sens qu’il lui donne, et dans ses trucs et astuces qu’il nous présente sous forme d’aphorismes, si j'ose les présenter ainsi*.
Notre vie est un voyage
Dans l'hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel où rien ne luit.
CHANSON DES GARDES SUISSES (épigraphe de Voyage au bout de la nuit)
*[clausule d'incertitude]
Créée
le 22 sept. 2018
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