Le roman retrace l'histoire de la « France antarctique » et l'expédition de Villegagnon sur les terres du Brésil. Au cours du XVI ème siècle, les Portugais dominent déjà une grande partie du Nord du pays et sont établis principalement dans la région de Bahia. Villegagnon, apprenant qu'il existe encore des terres inexplorées par les Portugais décide donc d'élever la grandeur de la France en s'implantant dans la baie de Guanabara (la baie de Rio de Janeiro). Pour établir le contact avec les indiens, réputés belliqueux et anthropophages, l'expédition s'équipe d'un groupe d'enfants jugés plus appropriés pour servir d'interprète, de « truchement ». Parmi eux, se trouvent Just et Colombe. Ces deux personnages centraux vont être au coeur des aventures de la colonie française mais chacun avec un rôle bien à lui. Colombe sera celle qui représentera la beauté au naturel mais aussi la découverte et la compréhension de cet Ailleurs, de cette jungle si effrayante et de cet Autre si différent. Quant à Just, il aspire au progrès de la civilisation, à l'ordre moral. Il sera le témoin des intrigues politiques et religieuses au sein du fort de Villegagnon. A travers ces protagonistes, Rufin tente de restituer deux approches antinomiques de l'Ailleurs, à savoir l'intégration ou l'assimilation. Est-il question d'imposer sa propre loi, sa propre culture, sa propre religion au milieu de cet Ailleurs ou alors de respecter, de savoir écouter et d'apprendre ce que cet Ailleurs à nous offrir, pour mieux se construire et être en harmonie avec lui ?

Le sujet est passionnant mais il s'avère trop peu exploité à mon goût. L'auteur a préféré se concentrer sur les querelles religieuses entre catholiques et protestants au sein du fort. On voit là une volonté de présenter ces événements comme annonciateurs des guerres des religions qui règneront en France quelques années plus tard. L'oeuvre se présente tel un roman historique classique et convenu.

Rufin semble avoir réalisé un travail extrêmement documenté et tente de nous faire part de ses recherches. Et c'est là que le bât blesse. Par moment, on peut avoir la vague impression de lire un travail scolaire plutôt qu'une oeuvre romanesque. L'auteur se perd dans ses descriptions minutieuses pseudo réalistico-historiques au détriment de l'action. Tout cela manque de rythme, de vibration, de coeur. Fort heureusement, il existe des chapitres très plaisants et bien écrits. Mais selon moi, la galerie de portraits, une pléthore de thèmes tous aussi différents et riches les uns que les autres alourdissent le roman et provoquent un sentiment d'inachevé. Certains éléments restent à l'état d'amorce alors que d'autres demeurent trop fouillés.

Finalement, le roman présente un réel déséquilibre tant au niveau du style (narration / description), qu'au niveau des thèmes traités. Cependant, il n'en demeure pas moins inintéressant pour découvrir une partie de notre Histoire, «la France antarctique» et pour prendre plaisir au détour d'un paragraphe lumineux ou d'un morro aux lignes suaves.
Momodjah
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le 5 nov. 2010

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