Une œuvre aussi intrigante que polarisante. Il s’agit d’un appel à retrouver sa singularité, à fuir le conformisme et la superficialité du monde actuel, pour renouer avec une quête de soi.
Le livre, issu de l'univers de la chaîne Le Dolmen, s'adresse avant tout à ceux qui ressentent une déconnexion avec le monde moderne. C'est une chaîne YouTube qui crée des podcasts que je recommande pour son ambiance et les réflexions qu’elle propose.
Je m'attendais donc à retrouver une structure similaire, plus cadrée, dans le livre.
Dès les premières pages, le style poétique d'Étienne Le Reun nous emporte. Son écriture, riche en métaphores et en images abstraites, invite à une réflexion profonde sur des thématiques comme l'individualité, l'introspection, et la rébellion contre une société de masse impersonnelle. J'ai été séduit par ces métaphores et les points qu'il aborde, qui m'ont souvent interpellé. Puisque j'ai pu les vivre et je pense que c'est justement assez universel, pour qui se pose un minimum de question sur soit et son avenir.
Cependant, après la moitié du livre, l’enrobage poétique devient redondant. Ce qui semblait au départ agréable et inspirant finit par être lourd à force de répétition.
Le livre se veut une ode à la singularité, un encouragement à échapper à l’uniformisation culturelle imposée par la société contemporaine. L’auteur appelle à "démissionner du monde", à renouer avec son authenticité et à ne plus se laisser engloutir par le flux constant de contenu médiatique. En tant qu'artiste, je me suis souvent retrouvé dans ces réflexions, et j'étais impressionné par la maturité de l'auteur, seulement âgé de 26 ans.
Cependant, le style abstrait et impersonnel du texte finit par me rebuter. En voulant s’adresser à tout le monde, il ne parle finalement à personne. Ce choix d’écriture, empreint de métaphores complexes et d’idées abstraites, ne permet pas toujours au lecteur de s’identifier. Le texte aurait gagné à être plus concret, surtout pour toucher un public plus large.
Attention, après avoir lu entre les lignes, voici mon ressentit à chaud:
Au début, j'ai eu l'impression de lire le livre d'un futur artiste qui se cherche et qui arrive à bien mettre en forme ses pensées, en nous faisant profiter de métaphores poétiques.
Puis, j'ai eu l'impression de finir sur la lecture d'un jeune gauchiste militant insupportable, qui s'est senti trop souvent trahi par les siens, un peu perdu, et qui semble nous montrer que justement, c'est dans cette errance que réside le chemin.
Je suis heureux d'y voir une envi d'aller vers le mieux, mais l'idée qu'on peut se faire de l'auteur après la lecture m'a, je l'avoue, un peu dérouté.
On voit qu'il finit par lister et décrire des types de personnes qu'il semble ne pas apprécier, en commençant par "les gris", comme je les appelle aussi. Mais la longueur de ces chapitres, et surtout la répétition de certains de ces ressentis, m'ont été très désagréables. Oui, il y a des gens sans passion, oui, il y a des donneurs de leçons et d'autres qui veulent s'améliorer naïvement...
Mais en parler sur presque 40 pages me semble particulièrement médiocre.
Moi aussi, j'ai trouvé la force de me développer en haïssant certains de mes contemporains, moi aussi cela a pu être un moteur qui m'a fait m'élever et le transmettre aux autres.
Ici, j'ai l'impression que l'artiste en question a encore un bon chemin à parcourir avant de mûrir, et c'est justement une grande qualité de ce livre. Car il le dit lui-même, et c'est beau. Au-delà d'être beau, il assume pleinement vers la fin qu'il n'est pas un guide, et que ce n'est ni plus ni moins qu'un amas de ses notes mises bout à bout. Ce qui est très honnête de ça part!
Cela dit, malgré ses défauts, le livre invite à l’introspection. J’ai trouvé fascinant que l’auteur finisse par reconnaître que ce n’est ni un guide ni un ouvrage théorique abouti, mais plutôt un amas de réflexions personnelles. C’est un bel exercice de sincérité, qui pourra encourager d’autres lecteurs à entreprendre leur propre quête intérieure.
Et une invitation, (pas assez explicite) à faire de même!
S'anomaliser est un ouvrage qui divisera sûrement. Ceux qui apprécient la philosophie, l'introspection et un style poétique riche en métaphores y trouveront une source d'inspiration précieuse. Car il n'y a pas de doute, c'est un effet de style qu'il manie avec une finesse rare!
Au moins dans ces débuts, puisqu'à la longue on finit par se rendre compte de la jeunesse de l'auteur. Ceux qui préfèrent des idées plus concrètes et un langage plus accessible pourraient se sentir perdus face à l’abstraction de certaines réflexions. Un livre qui mérite qu’on s'y attarde, mais qui pourrait frustrer par moments.
S'anomaliser est une invitation à l’introspection qui pourra séduire ceux qui cherchent des réflexions profondes sur la déconnexion avec la société contemporaine. Cependant, le style très abstrait et poétique peut devenir pesant, et l’absence de récit personnel rend l’ouvrage moins accessible et beaucoup moins concret.
Malgré tout, c’est un livre qui pousse à réfléchir et à remettre en question sa place dans le monde, bien qu’il gagnerait à équilibrer davantage la forme et le fond. Si j'avais été son prof de Français, je lui aurait envoyé toutes mes félicitations et je l'aurais encourager à vivre encore quelques années et quelques expériences variés, de créations plus concrètes, pour en écrire un nouveau.
Ici, je suis resté un peu sur ma faim, mais j'ai apprécié une bonne partie du livre et je serai très curieux de le voir s'essayer à nouveau à ce genre d'exercice. Car pour un premier jet, je lui en tire bien volontiers mon chapeau.