« On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ». Cet adage célèbre, William Golding l’avait peut-être à l’esprit lorsqu'il préfaça lui-même son roman « Sa Majesté des Mouches » d’une note autobiographique dans laquelle il annonce d’emblée la couleur d’un esprit résolument indépendant par ces mots : « Le salut de l'humanité réside en chacun de nous, non pas dans un système, une croyance, ou à l'intérieur d'une frontière donnée. L'ennemi n'est pas au-dehors, mais en dedans ».

Le système, les croyances, les frontières, William Golding, prix Nobel de littérature 1983, va s’ingénier à les mettre à bas dans ce court roman intense. Faisant s’échouer sur une île déserte du Pacifique une vingtaine de collégiens britanniques d’âges différents mais de culture et d’éducation communes, l’auteur nous propose un récit qui n’a, à mon sens, vraiment rien à voir avec les œuvres de Defoë ou de Tournier ayant elles aussi une île déserte pour décor. Dans « Sa Majesté des Mouches », les secours et l’organisation sociale priment sur la problématique de la survie.

Cette relecture dans le cadre du challenge NOBEL 2013/2014 m’a permis, non pas comme pour Steinbeck de me réconcilier avec une œuvre dont la lecture m’avait été imposée au collège, mais d’appréhender de façon plus mature un roman qui, pour ne pas m’avoir plus séduite qu’à douze ans, m’a davantage interpellée.

S’il faut parler vrai, je me demande même comment on peut inclure cette œuvre dans un programme de lectures niveau « collège ». Ce roman est juste super violent et terrifiant. Le sentiment de solitude, le désarroi des rescapés, la montée des antagonismes sont très bien rendus et je ne remets pas en question le talent de l’auteur, je ne me le permettrais pas, pauvre petit scarabée obscure et insignifiant que je suis mais, comment dire, nous sommes dans ce livre à un cheveu du cannibalisme !

Toute la première partie du livre m’a ennuyée mais arrivée à la moitié, ce fut comme si j’avais franchi un point de non-retour. La robinsonnade virait brusquement au huis clos ; les rescapés, lâchés dans la jungle à la poursuite des cochons sauvages ou de leurs « camarades », étaient devenus des billes de flipper incontrôlables ! La sauvagerie prend alors le dessus sur la civilisation ; la barbarie est omniprésente, sous-jacente, tapie derrière les lianes, prête à bondir à la gorge du lecteur…

***ALERT SPOILER***

Je n’ai jamais été à l’aise avec les récits d’îles désertes. Peut-être faut-il être insulaire comme Golding pour projeter l’action d’un roman dans ce cadre oppressant et s’y sentir à l’aise ? Je reconnais la marque du génie littéraire dans le crescendo émotionnel créé par l’auteur via une narration épurée et précise. La jeunesse n’est pas si innocente que cela et dans des circonstances qui ramènent les êtres humains à un état de vie primitif, les enfants et les adolescents ne sont pas exclus de cette escalade de violence que semble dicter l’instinct de conservation. Ici, la survie passe par un schéma de luttes de pouvoir, de violences et de conflits qui déshumanise ces graines de gentlemen, aussi sûrement que la marée entraîne le sable dans ses vagues et creuse la plage. On est loin, très loin, du philosophique « mythe du bon sauvage ». La ruse, la vanité, l’envie, la peur, l’orgueil et le désespoir mènent tout droit aux excès, aux humiliations et… aux meurtres ! L’espoir, de plus en plus ténu, comme une foi qui se perd, un feu qu’on n’entretient pas, est condamné à être dominé par le doute et la peur.

La rémission, quant à elle, viendra finalement « des grandes personnes » qui, bien qu’indésirables, « savent tout, [comme] dit Porcinet ; [et qui] n'ont pas peur du noir. Ici, elles se réuniraient, prendraient le thé ensemble et discuteraient la situation. Et tout s'arrangerait.. »

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le 26 juin 2013

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Gwen21

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