Tout commence par un enlèvement. Pas le petit rapt crapuleux où on commence par envoyer un doigt à la famille, puis un second etc... Non, là on est dans le kidnapping le plus inexplicable de toute la littérature policière que j'ai pu digérer à ce jour. En effet, ce ne sont pas moins que Patrick Kenzie et Angela Gennaro qui se font enlever. Et là on se dit : « Lehane a trop forcé sur les amphets et commence par faire disparaître ses héros... Mais qui va les sauver ? ».
En fait, il n'en est rien. C'est le seul moyen qu'a trouvé le milliardaire Trevor Stone pour proposer une affaire à nos deux enquêteurs qui se remettaient de façon fort gentillette de leurs dernières mésaventures. L'argent rend-il asocial, déboussolé, perturbé au point d'organiser un enlèvement plutôt que de passer un simple coup de fil ? Décidément Dennis Lehane a peut-être voulu se prouver qu'une entame plus qu'improbable pouvait néanmoins se poursuivre par un polar d'excellente facture. Hormis ce début complètement foutraque, je reconnais qu'il a gagné sa tournée, si c'est ca qu'il a parié avec son éditeur.
En effet, la fille de Stone, Desiree, a disparu. Trevor Stone a d'abord recouru à une agence de détectives privées qui a confié cette mission à Jay Becker, un ancien du FBI, leur meilleur élément. Ce dernier a été le formateur de Patrick et il avait démarré sa recherche avec méthode et commençait juste à obtenir des résultats intéressants lorsqu'il a lui-même disparu.
Du maître à l'élève, l'affaire se devait de revenir à Patrick et Angie. Se lançant sur la piste de Desiree Stone, ils vont enquêter dans le milieu des organisations censées aider les personnes en détresse mais dont les activités sont toutes autres. Lavage de cerveau, manipulation, embrigadement sectaire, ces gens-là ne manquent pas de moyens. Mais lorsqu'ils se font dépouiller, l'auteur du cash est encore plus méchant que tout ce qu'on peut imaginer.
Après « Un dernier verre avant la guerre » et « Ténèbres, prenez-moi la main », « Sacré » (pourquoi un titre aussi court alors que l'auteur s'acharnait à nous pondre des titres à rallonge ? Un autre pari ?) est la troisième aventure de Patrick et Angie qui va les emmener loin dans l'exploitation qui peut être faite du malheur d'autrui, mais qui va leur faire découvrir que quand les choses et les gens ne sont pas ce qu'ils semblent être, le pire est alors toujours à venir.
L'humour parfois déjanté que l'auteur prête aux héros ajoute à cette enquête un exotisme bien agréable dans un roman qui aurait pu être simplement noir. Toujours hanté par leurs passés respectifs, Patrick et Angie nous dévoilent un peu plus de leurs personnalités et des sentiments qui les animent et les rapprochent. Un polar de haut vol qui finira en apothéose avec une fin totalement inattendue et drôlement bousculée comme souvent dans autres romans de cette remarquable série signée Dennis Lehane. Un ouvrage remarquable en matière de gestion du suspense que je recommande donc vivement.