Tout ou rien...
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le 6 sept. 2013
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(Lu dans la version Folio Histoires)
Après sa monumentale biographie sur Saint-Louis (je finirai par la lire un jour !), Le Goff a tenu à se tourner vers une personnalité du Bas-Moyen Âge qui visiblement le touchait particulièrement, Saint François d'Assise.
Ce n'est pas tant une biographie que la republication d'articles difficiles à trouver, avec parfois quelques répétitions d'un chapitre à l'autre. Mais la répétition n'est-elle pas la meilleure des pédagogies ?
Le premier chapitre, "François d'Assise face au monde féodal", s'attache à voir en quoi François (abrégé ensuite en F) s'inscrivait ou non dans son temps. C'est une synthèse très efficace sur les changements que connaît l'Italie au début du XIIIe siècle. Par certains aspects F. est vraiment un homme de son temps : volonté des laïcs de s'impliquer dans la foi à côté de la hiérarchie ecclésiastique, attention au travail manuel, intérêt pour ces pauvres, ruraux déracinés, qui affluent dans les grandes villes d'Italie. Par d'autres aspects, il est conservateur (méfiance vis-à-vis de la science, de l'argent, idéal chevaleresque qui fait de sa communauté de départ un petit groupe qui évoque la table ronde) ; par d'autres il est très en avance sur son temps (volonté d'universalité au-delà des classes sociales et des différences de sexe, idéal joyeux dans une époque qui fait des moines les "spécialistes des larmes").
Le second chapitre, "A la recherche du vrai Saint François", le plus long, est une biographie historique de l'homme. Elle commence par les difficultés méthodologiques, notamment du fait qu'à la suite d'une querelle au sein de l'ordre franciscain entre les tenants radicaux d'un idéal de pauvreté et les tenants "institutionnels" (ces derniers l'emportent avec l'appui du pape), les sources franciscaines ont été nettoyées, principalement au profit d'une version édulcorée de la vie du saint (il reste des traces de l'autre version, qui va peut-être dans l'excès inverse : F n'a jamais été millénariste, par exemple). Le Goff retrace ensuite sobrement ce que l'on sait, en ne gommant pas les tiraillements multiples du saint : tiraillement entre l'évangélisme dans les villes (et même, à trois reprises assez vaines, en Orient) et l'érémitisme (besoin parfois de faire des retraites), entre la spontanéité et la difficulté de pérenniser son oeuvre dans un ordre, entre la joie de vivre et la haine du corps et de l'argent, etc.... Je ne me prononcerai pas sur les propositions de Le Goff en termes de chronologie, n'étant pas au fait du dossier.
Les deux derniers chapitres font un peu redite, même s'ils permettent quelques approfondissements. "Les éléments du vocabulaire des catégories sociales" étudie la manière dont sont désignés les corps de la société dans le corpus franciscain : un bon moyen de trouver les catégories mal considérées à l'époque. Avec des difficultés (ce vocabulaire, en latin, s'inspirant beaucoup des Evangiles) à mettre ces catégories en adéquation avec les réalités économiques, sociales, politiques de l'Italie de l'époque (par exemple les querelles entre Guelfes et Gibelins).
Le dernier chapitre, "Franciscanisme et modèles culturels du XIIIe siècle", approfondit ce que disait déjà le premier, en se concentrant sur les représentations mentales (en fait j'ai condensé dans le premier chapitre des éléments qui sont également abordés dans le dernier). Pas inintéressant mais il y a des redites qui pouvaient être évitées.
Comme toujours avec Le Goff, c'est solide, clair, et éminemment réfléchi. ça ne s'embarrasse pas de surperflu : droit à l'essentiel. On peut évidemment être un peu frustré de ne pas savoir davantage, mais cela a trait aux sources, pas à l'historien. Un bel ouvrage, que j'imagine peut-être un peu dépassé sur quelques points (une simple intuition).
Créée
le 9 août 2024
Modifiée
le 11 août 2024
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