[Arrêté p. 90]
Ce n’est pas un enfant qui écrit, c’est un enfant qui parle. D’anglicismes en oralités, on déroule les pages assez vite. Que reste-t-il d’une telle écriture ? Pas grand-chose. La confrontation de mondes si différents : une athée du XXIe s. et une sainte du XVIIe s, et par-là même de deux langues très différentes aurait pu provoquer des étincelles et donner de grandes choses mais il ne reste au final qu’une certaine immaturité. Dans une moindre mesure, Yann Moix a fait bien mieux avec Mort et Vie d’Edith Stein. Ici Moix a vraiment fait l’effort de s’imprégner de la pensée et de la langue de la sainte, et, avec le style qui est le sien, on assiste réellement à la confrontation de deux mondes, de deux langues. La tension entre les deux univers est palpable, peut-être parfois choquante mais c’est ce qu’on demande de la confrontation : de ces chocs naissent des fulgurances. Clémentine Beauvais le dit d’ailleurs très explicitement : son éditrice lui a demandé de la « bienveillance ». Et en même temps que fallait-il attendre des éditions de l’Emmanuel, communauté petite bourgeoise ? Est-ce à une spiritualité sentimentaliste et ostentatoire qu’on peut demander d’avoir les outils intellectuels pour avoir du répondant ? Est-ce à des béats qu’il faut demander du dissensus ? Bégaudeau a fait la même chose dans Une certaine inquiétude et en confrontant sincèrement son marxisme au christianisme, en prenant le sujet à bras le corps, tel deux lutteurs, marxisme et christianisme, dans une arène. Là aussi le rendu n’en est que des plus beaux. De cette lutte on ressort grandi, on voit les points de tension et d’accord, la frontière entre les deux est mise en lumière. La « bienveillance » n’installe ici que gêne et malaise.