Dans les oeuvres de Dennis Cooper, il y a des personnages passifs (passifs comme dans l'argot gay, passifs de manière générale dans la vie) qui laissent des hommes plus âgés abuser d’eux de manière crescendo parfois/souvent jusqu’à la mort. Enfin, ça c’était surtout dans les premières oeuvres, très premier degré. Je préfère Salopes et le recueil de nouvelles Un type immonde, parce que comme un critique littéraire le remarque, Dennis Cooper instaure une distanciation qui, du coup, ajoute une touche d’humour à ses récits trash. Des horreurs, tortures sexuelles, et même gores sont décrites dans le détail au point de donner la nausée (on commence par bander lorsqu’un jeune tapin se fait enculer, on finit par s’étrangler lorsqu’à la fin on le mutile) puis, Dennis Cooper sort un gros nez rouge et fait pouet pouet avec : Et bah oui, rien n’était vrai ! Dans le roman Salopes (j’ai une petite émotion quand je pense que je n’aurais pas connu Dennis Cooper sans un ami très cher à mon coeur), tous les textes sont supposés être extraits du web, un forum de discussion sur lequel des michtons commentent des tapins, et un prostitué en particulier, qui devient une légende. Un usager prétend le connaître et savoir ce qui lui est arrivé, mais est-ce qu’il ment… ou il ment ? C’est absolument génial. On s’amuse beaucoup aussi avec Un type immonde (recueil de nouvelles), lorsque l’on suit les échanges salaces et grotesques entre un auteur et son éditeur via la correction d’un manuscrit.
J’aime savoir qui je baise. (Eh bien, votre personnage ne manque pas de générosité.) Mais le juste minimum. (Je l’ai vu venir, cette phrase.) Alors, quand le môme a commencé à jacasser (cela m’arrive, en effet) sur sa vie (Pour être juste, quand je babille, j’ai tendance à m’étendre, et si je parle de moi, c’est à cause d’un énorme sentiment d’insécurité. […]), je l’ai bien maté, un putain de visage imberbe qui avait du voir moins de rasoirs que Pluton de navettes spatiales (En vérité, j’ai à peu près huit poils sur le menton que je rase peut-être une fois par semaine), des avants-bras à côté desquels un gamin de douze ans aurait eu l’air d’une brute (je vais au club deux fois par semaine et je crois que cela se voit) et c’était tout ce que je pouvais faire pour ne pas arracher ses fringues, l’allonger sur notre petite table, et le détacher de son squelette avec ma langue comme s’il était une crème glacée. (Confidentiellement ma bite est franchement dure maintenant. Je peux être notoirement imbu de moi-même pour masquer mon profond sentiment d’infériorité, comme je l’ai dit, mais j’aimerais toutefois me risquer à avancer que votre écriture s’est nettement améliorée dans cette nouvelle version. Pourrais-je m’en attribuer le mérite en tant que muse ? J’en suis assez certain pour ne pas courir le risque de paraître présomptueux.)
Dennis Cooper est souvent accusé d’être un vieux pervers dangereux, mais dans une interview, l’auteur déclare que ceux qui le voient comme un prédateur n’ont rien compris : ces petits passifs qui meurent et sont abusés (pas toujours dans cet ordre) dans ses livres, c’est lui. Dennis Cooper a été tellement impressionné par la manière dont les hommes plus âgés abusent des plus jeunes, qu’il en a fait des tas de romans.