Si Sans patriarcat peut sembler enfoncer des portes ouvertes pour les plus informés d'entre nous et les féministes les plus aguerries, (et c'est un compliment : je pense qu'il est destiné aux lecteurs qui sont moins informés sur le sujet), il s'agit d'un bon livre qui synthétise bien le but du féminisme, le but de leur détracteurs et pourquoi il est important d'avoir au minimum une vision d'ensemble sur le sujet. Il reprends bien les bases et le style d'écriture est accessible à tout le monde.


Cependant, j'ai pu relever certaines choses :


  • L'explication sur la raison de l'existence du patriarcat n'est envisagée que sous le prisme de la religion (mythe du jardin d'Eden avec Eve, Adam et Lilith qui a grandement influencé les moeurs occidentales, qui se retrouve indirectement chez les incels/masculinistes quand il s'agit de donner des explications). Et c'est pertinent de le souligner.

Ceci dit, il me semble naïf de penser que la naissance du patriarcat se soit purement appuyée sur des considérations religieuses, et l'explication donnée dans ce livre me semble incomplète.


Par exemple, bien qu'essentialiste sur les bords, l'explication retrouvée dans "La révolution communaliste" d'Abdullah Öcalan tente de remonter à la racine des rapports homme-femme qui se seraient différenciés/étiolés vers le Néolithique, les hommes ayant voulu posséder tout ce que les femmes, assignées socialement à leur rôle, "gardiennaient" = et ainsi aurait commencé le régime patriarcal. Cela serait parti d'une forme de question de répartition des moyens de production, de "jalousie" par rapport aux possessions des femmes à un certain moment, et d'une volonté de leur asservissement total.


Selon moi, cette hypothèse, qu'elle soit finalement vraie ou fausse, essaie de donner un corps plus concret à ce "pourquoi". Et puisqu'elle s'inscrit dans une sorte de matérialisme, elle me semble plus satisfaisante qu'une seule explication par le mythe. Une corroboration par des explications anthropologiques aurait été un plus.


  • Je ne comprends pas pourquoi l'autrice considère le fait d'être "valide" comme comptant dans ses privilèges alors qu'elle souffre d'une algie vasculaire de la face et d'un TDAH très handicapants, ce qui l'a menée à vivre (et à vivre encore) une errance médicale et une ignorance méprisante des médecins, expérience intrinsèque au validisme et au handicap.
  • Les quelques jeux de mots entre "mal" et "mâle" ne me semblent pas nécessaires (même si c'est par une volonté d'alléger le ton général du livre), et pourraient donner du grain à moudre aux courants terfiques.

Mise à part ca, ce livre offre une vue d'ensemble et une analyse pertinente du patriarcat et de la lutte féministe telle que conçue actuellement. Il va à l'essentiel ; il est plein de références, il y a même une "boîte à outils" à l'intérieur, ce qui est très précieux quand on cherche à s'informer, chercher des références importantes sans s'éparpiller.


En vrac, on peut notamment y retrouver les types de masculinités théorisées par la sociologue australienne Raewin Connell, l'étude Kinsey sur l'écart orgasmique, une réflexion judicieuse de Gloria Steinem sur comment les menstruations seraient considérées si les hommes cis avaient leurs règles, etc.


Merci à Mathilde Morrigan pour cet excellent travail de synthèse.

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le 29 janv. 2025

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