Une famille de médecins, fils de médecins, femmes et filles de médecins, célèbre en Algérie puis en France. Ils ont un an de différence, mais on les élève comme des jumeaux, l’aîné Armand est le préféré de la mère, il lui ressemble, tout lui réussit, le cadet Harry n’est que la copie plus terne de l’autre.
« Mais Armand n’aime pas Harry, ou plutôt, il l’aime comme on est forcé d’aimer les bons chiens qui trottinent à nos côtés, tremblants et frétillants, et lancent de biais des regards humides qui appellent la caresse. »
Harry et Armand entreprennent naturellement des études de médecine, Armand est promis à devenir un grand médecin, un chef de clinique, le cadet stagne et selon les standards de son milieu, devient un pauvre type.
« Car il n’est, ici, pas question d’avoir des rêves personnels. La perfection n’en tolère pas. »
Harry a une vie de fils, de frère, une vie d’étudiant, une vie à la clinique et dans chacun de ces rôles il se sent le plus médiocre, le plus terne. La rencontre avec Ève, une fille libre et transgressive qui ne dépend de personne va transformer sa vie. Leurs corps vont se mélanger dans un corps-à-corps de sexe et de mots crus, il ne voit plus qu’elle, il se marie en secret.
La narratrice nous raconte à travers des instantanés la vie de son père Harry, un jeune homme détruit par une famille riche, car il ne répond pas aux attentes familiales. Pourrie par l’argent qui coule à flots, écartelée entre la famille de son père et sa mère, sommer de choisir son camp, la narratrice ne veut pas de la vie qu’on veut pour elle, elle ne veut pas se laisser broyer comme son père a été broyé, elle ne fera pas médecine, elle veut écrire, depuis l’enfance, elle ne veut faire que cela. Hantée par la mort de son père il venait de fêter ses trente-quatre ans, elle avait quinze mois ; l’annonce de la mort de sa grand-mère avec qui elle est fâchée, la plonge dans une dépression sévère, qui manque de l’emporter.
Ce récit bouleversant, intime est une réflexion sur le deuil :
« Ce qui tue, c’est aussi la condescendance et le mépris de ceux qui pensent que la douleur d’un deuil qui se prolonge relève d’une paresse de la volonté ou d’une faiblesse complaisante. »
Un roman sensible et intime porté par une écriture lumineuse qui se révèle tout au long du récit, et particulièrement lorsque Sarah Chiche évoque la lente agonie du père terrassé par une leucémie et la douloureuse descente de la narratrice dans une dépression morbide. Ce roman est une vraie plongée à l’intérieur des âmes : « Personne ne m’avait jamais dit que j’aimais mon père. »