Dans la famille "je lis un auteur avant de le critiquer et de descendre en flèche sa prose", j'ai donc choisi cette semaine la carte "Guillaume Musso". Bonne ou mauvaise pioche ?
Alors oui, c'est vrai, je n'avais encore jamais tenu un Musso entre les mains et j'avoue d'ailleurs avoir très bien vécu sans jusque là. Il est aussi vrai que je tordais le nez avec un rien de mépris à l'évocation de cette "littérature" qui sentait pour moi son 'piège-à-cons" à 100 mètres. "Encore un qui veut s'enrichir à faire frémir de l'ovaire la ménagère de moins de 50 ans", voilà exactement ce que je me disais. Mais, vous avouerez comme moi qu'il est très déraisonnable voire blâmable de juger un auteur sans rien connaître de son oeuvre...
Je dois dire que le présent roman a dépassé toutes mes espérances. Je pensais découvrir de la soupe populaire "littéraire" et j'ai fait un plouf retentissant dans une soupe au navet aussi épaisse que salée !
"Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie.
Inscription anonyme gravée sur un banc de Central Park
C'est un matin de janvier, dans la baie de New York, à l'heure où le jour l'emporte sur la nuit...
Très haut dans le ciel, au milieu des nuages qui filent vers le nord, nous survolons Ellis Island et la statue de la Liberté. Il fait froid. La ville entière est paralysée par la neige et le blizzard.
Soudain, un oiseau au plumage argenté crève les nuages et descend en flèche vers la ligne de gratte-ciel. Ignorant les flocons, il se laisse guider par une force mystérieuse qui l'entraîne vers le nord de Manhattan. Tout en lançant des petits cris d'excitation, il survole Greenwich Village, Times Square et l'Upper West Side à une vitesse stupéfiante pour finir par se poser sur le portail d'entrée d'un parc public.
Nous sommes au bout de Morningside Park, tout près de l'université de Columbia.
Dans moins d'une minute, une lumière s'allumera au dernier étage d'un petit immeuble du quartier.
Pour l'instant, une jeune Française, Juliette Beaumont, profite de ses trois dernières secondes de sommeil.
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Lorsque la sonnerie retentit, Juliette lança un bras aléatoire vers la table de nuit qui projeta le radio-réveil sur le sol et fit cesser immédiatement le terrible buzzer.
Elle émergea de sa couette en se frottant les yeux, posa un pied sur le parquet brillant et fit quelques pas à l'aveuglette avant de se prendre les pieds dans le tapis qui glissa sur les lattes cirées. Vexée, elle se releva avec célérité et attrapa sa paire de lunettes qu'elle détestait porter, mais que sa myopie rendait indispensable car elle n'avait jamais supporté les lentilles de contact.
Dans l'escalier, une collection hétéroclite de petits miroirs chinés dans les brocantes lui renvoya l'image d'une jeune femme de vingt-huit ans aux cheveux mi-longs, et au regard espiègle. Elle lança une moue boudeuse à la glace puis tenta de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure en arrangeant à la va-vite quelques mèches dorées qui virevoltaient autour de sa tête. Son tee-shirt échancré et sa petite culotte en dentelle lui donnaient une allure sexy et mutine."
On s'arrête là ? Vous en voulez encore ? Moi, non ; et c'est exactement là que je me suis arrêtée. Ces premières phrases m'ont fourni tous les renseignements dont j'avais besoin.
Merci, Guillaume Musso, d'être assez honnête pour annoncer tout de suite la couleur à vos lecteurs. Merci de ne pas faire semblant de bien écrire. Merci d'avouer dès les premières lignes que votre livre est une daube commerciale. Merci de nous décrire sans tarder votre héroïne qui ressemble trait pour trait à la femme à laquelle vos lectrices les plus fans rêvent de s'identifier, ce que, n'en doutons pas, elles s'empresseront de faire, tombant dans le panneau que vous leur avez si obligeamment concocté. Comment s'étonner qu'elles crient au génie ?!
Guillaume Musso,
Voltaire disait que la seule chose qu'il regrettait dans sa vie était de n'avoir pu lire tout ce que la terre comptait de livres et bien, je pense que je vous ai déjà accordé suffisamment de temps et d'attention et oui, je vais me baser sur ce que je viens de lire pour juger l'ensemble de votre oeuvre. Cela, je vais le faire sans scrupule.
Guillaume Musso,
tant que nous en sommes à échanger des civilités, vous me permettrez de vous éclairer sur un point que nul écrivain ne peut ignorer s'il prétend vraiment en être un : l'incipit est la clé de voûte d'une oeuvre littéraire. L'incipit a pour rôles principaux de planter le décor et d'annoncer les personnages majeurs. Cela, vous l'avez (très bien) fait ! Mais l'incipit, c'est bien plus que cela, son rôle fondamental dépasse largement cette vision fonctionnelle de la première page ; l'incipit DOIT créer un lien entre l'oeuvre et son lecteur, il doit accrocher son lecteur à l'oeuvre, il doit donner à son lecteur la première émotion, celle qui, au fil des pages, s'amplifiera ou se détériorera au gré du talent de l'auteur mais jamais, jamais, jamais, il ne doit être cette espèce de brouillon de rédaction narrative de niveau 5ème que vous nous servez avec votre roman "Sauve-moi'.
Alors, Guillaume Musso, si vous le permettez et avec tout le respect que je vous dois (ou pas), je vais me "sauver" moi-même, et tout de suite, et à toute vitesse.
Serviteur.
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