[Avertissement : cette critique est le septième épisode d’une étude sur Que serai-je sans toi ? de Guillaume Musso. Pour plus de clarté sur le projet :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931 ]
II. Le style
Après avoir analysé la dimension narrative et les grandes thématiques du récit, attardons-nous sur son style. Trait distinctif de l’auteur, il offre une vision du monde, une tonalité que le lecteur retrouvera avec plaisir d’un roman à l’autre. M. Musso dont le sens de la formule n’est plus à démontrer, apprécierait sans doute celle que nous nous proposons de lui appliquer : « Montre-moi comment tu écris, je te dirai qui tu es. »
A. M. Musso est un jeune
Le romancier étant désireux de prendre le pouls d’une époque, le lexique utilisé est tendance. Nous avons déjà évoqué les nombreux anglicismes, auxquels nous pouvons ajouter les références fréquentes aux nouvelles technologies (disques durs, fichiers informatiques, dialogues par SMS…) et une langue de la jeunesse garantie comme telle par la mention « avec véritables gros mots dedans » :
« Il avait sous-estimé son adversaire : le vieux avait non seulement un cerveau, mais il avait des couilles. » (p. 73)
« Sans doute y avait-il quelque chose de biologique dans leur jusqu’au boutisme : cette putain de testostérone qui transformait les hommes en prédateurs, leur donnant des envies de domination. » (pp. 229-230)
« On croit toujours que certaines relations sont si fortes qu’elles pourront résister à tout, mais ce n’est pas vrai. La confiance qui s’étiole, la lassitude, les mauvais choix, les soleils trompeurs (1) de la séduction, la voix chaude des sales cons, les longues jambes des sales connes, les injustices du destin (2): tout concourt à tuer l’amour.(3) (p. 226)
(1) Jolie formule, qui n’appartient pas à l’auteur (elle est de Iossif Alveka, dans une chanson russe de 1937, reste à savoir s’il est au courant) mais qu’il affectionne au point de l’utiliser plusieurs fois dans le roman.
(2) S’étiole, soleils trompeurs, sales cons et sales connes. Une analyse plus poussée de ce paragraphe sous l’intitulé « Tradition et modernité dans la prose Mussoiste » serait à envisager.
(3) En effet, ce paragraphe inclus.
Autre élément, le langage technique qui n’est pas sans évoquer les conversations des Experts ou de Dr House, en l’occurrence :
« Elle suspectait une rupture du Wirsung associée à une lésion duodénale.
T’es pas verni, hein ? » (p. 275)
B. M. Musso est un fighter
La poétique de M. Musso est celle de la punchline : il est de notoriété qu’une réplique est d’autant plus efficace qu’elle est brève, comme un coup de poing dans la face du lecteur : bref, incisif, percutant.
« La réalité a fini par remporter son match sur l’illusion d’un amour hors du temps.
Et c’est brutal. Et ça fait mal.» (p. 21) Difficile, à la lecture de genre de répliques, de ne pas leur donner la voix des bandes annonces de blockbusters américains, caverneuses et brutales, à l’instar de celle de Sylvester Stallone ou Arnold Schwarzenegger, du moins dans leur version française.
« Il allait allumer le joint lorsqu’une force invisible le poussa à retourner sur la terrasse pour s’installer devant l’écran de l’ordinateur. Archibald était plus fort que le shit. » (p. 85)
De fait, les personnages eux-mêmes vont pouvoir se livrer à de véritables joutes verbales des temps modernes, où les réparties auront la force d’un fusil à pompe à canon scié :
« - Vous êtes au courant qu’il y a d’autres plaisirs dans la vie que de boire, fumer ou voler des tableaux ?
- Oh, ça va, ne viens pas me donner de leçons avec ton shit et ton Coca Zero. Si tu crois que c’est meilleur pour la santé ! » (p. 261)
Autre exemple, avec cours de psychologie amoureuse qui ferait pâlir Mme de Lafayette :
« - Quand une femme te dit non, ça veut souvent dire oui, mais j’ai peur.
- Mouais, continuez.
- Quand elle te dit peut-être, ça veut souvent dire non.
- Et quand elle dit oui ?
- Quand elle dit oui, ça veut dire oui, peut-être.
- Et pour dire oui tout court ?
Archie haussa les épaules.
- Oui tout court, ça n’existe pas en langage féminin.
Martin était dubitatif :
- A mon avis, vous êtes meilleur voleur que psychologue…
- Peut-être que je manque d’expérience, concéda Archibald.
- Et si on parlait plutôt de Gabrielle ?
- C’était d’elle qu’on parlait, p’tit gars, je croyais que tu l’avais compris… » (pp. 262-263)
La parade amoureuse des jeunes tourtereaux prendra alors une tournure bien belligérante :
« - Je croyais pourtant que tu étais différent des autres, que tu étais au-dessus de ça !
- Au-dessus de quoi ? Tu m’as brisé le cœur, Gabrielle !
- Non, Martin, c’est toi tout seul qui as bien voulu te le briser ! En le faisant, tu as aussi brisé le mien. » (p. 185)
… mais s’achèvera sur une chute renversante qui mettra tout le monde d’accord :
« - Tu as de la chance que je sois là. D’habitude, à cette heure-ci, je suis encore au boulot.
- Pourquoi es-tu rentrée plus tôt ?
- J’avais un truc à faire…
- Quoi ? demanda-t-il en se relevant.
- Ça, dit-elle en l’embrassant. » (p. 203)
Episode 8 : C. M. Musso est un entertainer et M. Musso aime faire du chiffre :
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L'intégralité de l'étude :
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