Rétrogradé après avoir frappé l’officier avec lequel vit désormais son ex-femme, Mathew Worth exerce ses fonctions d’agent de police dans un petit supermarché de banlieue. Une mesure disciplinaire qui pourrait être mal vécue par n’importe quel policier, mais que Mathew prend avec une certaine philosophie. Et le jeune homme se fait un devoir d’assurer ses missions avec le plus grand sérieux. Il dissuade les voleurs potentiels, rend service à la ménagère en empaquetant les achats et, accessoirement, prend un certain plaisir à observer le travail de la jolie Gwen, caissière de son état. Pas exactement heureuse en ménage, Gwen travaille surtout pour payer ses études d’infirmière et entre deux clients, il lui arrive souvent de sortir un livre de cours pour réviser. De temps à autre, Mathew assiste aux passes d’arme qui l’opposent à son petit ami, une brute à l’esprit étroit, amateur de grosses cylindrées. Un soir, voyant la situation s’envenimer, il juge bon d’intervenir, déclenchant une réaction de jalousie totalement disproportionnée de la part de l’apollon bodybuildé. Prise à partie et battue de retour à la maison, Gwen tue la Bête en situation de légitime défense. C’est à partir de là que les choses de gâtent. Au lieu de prévenir ses collègues et de mettre en branle les procédures réglementaires, Mathew décide de maquiller la scène de crime. Il embarque le corps dans le véhicule surpuissant du défunt propriétaire, nettoie de fond en comble l’appartement et prend la déposition de Gwen en modifiant quelques éléments clés pour faire croire que le petit ami s’est enfui après avoir simplement battu sa compagne. Sauf que le petit ami en question appartenait à la pègre et que sa voiture contenait plusieurs centaines de milliers de dollars soigneusement dissimulés.

Les intrigues policières les plus réussies ne sont pas forcément les plus complexes, c’est ce que semble avoir parfaitement intégré Sean Doolittle, qui a plutôt pris le parti de soigner sa narration et ses personnages. Il en résulte un roman d’une fluidité exemplaire, rondement mené et remarquablement prenant. Mais si Savemore fonctionne aussi bien, c’est essentiellement grâce à Mathew Worth, ce faux loser qui entretient avec une facilité déconcertante l’illusion à propos de son personnage. Rétrogradé, rabaissé voire carrément humilié, Mathew est en réalité un petit malin qui réussit contre toute attente à tirer son épingle du jeu. Évidemment, l’ambiguïté n’est pas totale, le lecteur sait bien que cet éternel second couteau, qui court sans cesse après le fantôme d’un frère couvert de gloire, a en réalité bon fond et sa naïveté n’est pas tout à fait feinte ; elle se heurte d’ailleurs à un principe de réalité bien tangible. Bref, Savemore fait partie de ces petits polars bien troussés, qui nous régalent sur le moment, mais hélas s’oublient relativement vite. Pas grave, il nous aura au moins diverti quelques heures. On attend cependant Sean Doolittle au tournant, en espérant que son prochain roman soit sur la forme aussi réussi et sur le fond nettement plus mordant.
EmmanuelLorenzi
6
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le 9 nov. 2012

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