Sept redditions est le 2e tome de la saga Terra Ignota par l'autrice Ada Palmer. L'histoire prend suite quelques heures seulement après la fin du tome précédent, Trop semblable à l'éclair
Pour rappel, nous sommes en 2454. Ce monde connait une paix durable, rendu possible par la fin de l'état nation (un moyen sûr et rapide ayant permi de relier tout point du globe en quelques heures) et la fin des religions telle que nous les connaissons (il est désormais interdit d'en discuter publiquement). Ceci occasionne une refonte du fonctionnement de la planète, organisé en 7 ruches, sous la bannière desquelles peuvent se réunir tous les humains se retrouvant dans les valeurs portées en étendard par chaque ruche.
Le narrateur, Mycroft Canner, fait partie de la caste des servants, des criminels exclus des ruches et devant se soumettre à une vie se servitude. On apprendra alors comment Mycroft peut avoir se statut mais aussi l'oreille de tous les puissant.e.s de ce monde.
Attention, toi qui entre dans cette partie de la critique, abandonne tout espoir de ne pas te faire spoiler le 1er tome.
Tu es encore là lecteur? Très bien, poursuivions alors. Nous venions de découvrir comment un système d'assassinat élaborés permettait de maintenir ce monde sur les berges du précipices de la guerre. Nous avions également compris qui se cachait derrière la liste fuitées des sept-dix. Et nous prenions petit à petit la pleine mesure des pouvoirs de Bridger et de ceux que pensent avoir Jehova/JEDD MACON.
Je trouvais que le point faible du 1er tome était d'étirer un peu trop son point fort: transposer à cet univers futuriste une grille de lecture du 18e siècle (dont l'autrice est experte). L'idée était bonne, mais son application un peu balourde, écrasant trop le reste des bonnes idées.
Madame s'avérant l'antagoniste principale, et cette bulle temporelle étant son royaume, ce 2e tome nous ressert (assez longuement) un texte s'inspirant des Lumières. Si, comme moi, cela vous avait un peu gonflé, accrochez vous.
En effet, vous aurez ensuite d'autres révélation sur ce monde qui valent la peine de poursuivre, notamment une explication des motivations et moyens de la mystérieuse ruche des Utopistes (et du rôle qu'a pu jouer Apollo Mojave), des passages très malin sur JEDD Maçon et sa vision du monde/de son monde/ de la religion. Et les manigances politiques sont assez surprenantes et prenantes pour vous aider à passez outre le style "Lumières" qu'on nous tartine un peu de force dans les yeux.
Je me suis demandé parfois pourquoi ne pas avoir fait une uchronie ou dyschronie avec une technologie de pointe dans un monde situé à l'époque des Lumières, ce qui aurait rendu moins grotesque les personnages de Madame ou de Dominic, ou encore les passages et comportements des personnages jetés dans ces parties du roman. Mais l'ensemble reste cohérent et très appréciable.
Je reprochais au premier tome d'être une superbe coquille un peu vide, et à l'autrice de nous faire du Damasio ("Regardez comme mes personnages parlent bien de socio parce que j'ai lu plein de socio" devenant "Regardez comme mes personnages parlent bien de philo du 18e parce que j'ai lu plein de philo du 18e").
Ce 2e tome ne répond pas complètement à mes craintes, mais on voit se dessiner plus clairement la promesse d'un futur grand classique de la SF. Promesse qu'il faudra quand même tenir.
J'ai encore une crainte, à la lecture de ce roman: celle d'avoir l'équivalent de GRR Martin, qui fait pas mal de remplissage mais fini ses romans de manière tellement addictive qu'il en est presque douloureux de ne pas aller voir le roman d'après. Mais ici on nous a promis une histoire en 4 tomes, et j'ai l'impression qu'Ada Palmer a l'intention de boucler les arcs narratifs dans ce délai. Puisse-t-on y parvenir avec grandeur!