Une très belle découverte en ce qui me concerne, vu que je ne connaissais pas l'auteure ! Et c'est un vrai plaisir de découvrir tous ces "jeunes" auteurs français, qui manient la plume et la langue avec virtuosité, et, dans le cas de Mélanie Fazi, une sensibilité, voire une sensualité, très féminine mais sans excès.
Car, pour ma part, c'est cette sensualité récurrente qui se dégage le plus de l'ensemble des nouvelles de ce recueil, à part peut-être dans "Petit théâtre de rame", "Le faiseur de pluie" et la toute dernière, encore que les méthodes des "esprits" de Ghost Town soient, elles aussi, très tactiles ! C'est cette sensualité qui m'a marquée, et qui distingue Mélanie Fazi de tout ce que j'ai pu lire d'autre, français ou pas, de mon point de vue.
Que les sens soient sollicités dans le bon (plaisir) ou le mauvais (souffrance) sens, ils sont omniprésents.
Le toucher est celui qu'on retrouve le plus... Entre Serpentine, Elégie, Rêves de cendres, et donc, Ghost Town Blues, dans la souffrance le plus souvent, le toucher est vraiment bien décrit.
Serpentine est ma préférée parmi celles-là, car elle décrit fort bien les sensations mais également ce qui sous-tend le désir de se faire tatouer. Catharsis et exutoire, tableau vivant, bijou de peau qu'on offre au regard ou que l'on garde pour soi selon où on le place, symbole d'une étape de la vie, " rebellitude" intime (surtout pour ceux de ma génération (50 ans et plus), pour les jeunes d'aujourd'hui moins, je pense), je suis persuadée que tous les tatoués (à part peut-être ceux qui ne font ça que pour "le look", et même...) s'y retrouveront.
Le goût est mis à l'honneur dans "Mémoire des herbes aromatiques", qui reste ma préférée, car j'aime les bonnes choses, ainsi que les récits et mythes grecs et romains, et elle est bourrée d'humour noir en plus des descriptions "savoureuses".
L'audition, le son est évoqué dans "Matilda", avec un concert dont la description reste une des meilleures que j'ai jamais lues ! Si le fond est vraiment tordu et laisse relativement mal à l'aise, tout ce qui touche aux sens y est vraiment au top.
Enfin la vue est soliicitée dans "Le passeur", puisque nous avons ici un peintre, bizarre et psychopathe, certes, mais qui nous décrit si bien son obsession picturale et amoureuse.
Les nouvelles qui ne nous parlent pas vraiment des sens nous parlent de fantômes, de passages d'un état à un autre, avec à chaque fois un fond très différent, tour à tour sur le ton de l'espoir dans ""Nous reprendre à la route", sur le ton du désespoir dans "Petit théâtre de rame", sur le ton du désespoir mêlé d'une étrange et tendre poésie dans "Le faiseur de pluie".
La toute dernière nouvelle est spéciale. Vraiment l'idée est originale, je ne crois pas avoir lu ça ailleurs. Je n'en parlerai pas pour ne pas spoiler, mais quand on y réfléchit, on est très loin d'une histoire de "fantômes", en fait, puisque ce ne sont pas eux qui peuplent cette ville... Bien au contraire, ceux qui meurent disparaissent !
Bref, c'est un recueil d'un très bon niveau, tant littéraire que "d'idées", même si parfois on ressort d'une nouvelle avec "un goût de trop peu" (la toute dernière notamment...).
Et j'ai un coup de cœur pour le style d'écriture de Mélanie Fazi.