Publié sur L'homme qui lit :
Les États-Unis sont tristement coutumiers des émeutes sur fond de tensions raciales, découlant la plupart du temps d'incidents opposants les populations des ghettos défavorisés, souvent afro-américaines ou issues de l'immigration, aux forces de police. Dans son dernier roman, Six jours, Ryan Gattis s'arrête sur les six jours qui ont mis Los Angeles à feu et à sang, mais l'histoire aurait pu se passer l'an dernier à Ferguson qu'elle n'en aurait pas été différente.
Le 30 avril 1992, suite à l'acquittement des policiers blancs ayant abattus un automobiliste noir, Rodney King, la ville de Los Angeles s'embrase de nouveau, 27 ans après les émeutes de Watts. Très vite, la situation dégénère, la mairie et les forces de l'ordre sont dépassées, et les ghettos deviennent alors de véritables zones de guerre, où tout est permis.
Pendant les six jours que dureront ces émeutes, comme une parenthèse de follie dans une société civilisée (difficile de ne pas penser à une forme d'expiation, de faire un lien avec le film The Purge : Anarchy), le chaos sera prétexte à tout un tas de magouilles aux assurances, d'incendies criminels et de règlements de comptes entre gangs rivaux, et les petites contrariétés comme les vieilles rancoeurs se règleront à coups de 9mm tirées dans tous les sens.
Le récit, découpé en six parties pour autant de jours, suit une dizaine de personnages, du pompier essayant d'éteindre les incendies allumés comme autant de guets-apens, au caïd d'un redoutable gang mexicain, en passant par l'adolescent rêvant de faire ses preuves face aux autres apprentis gangsters, par l'infirmière qui aimerait ne plus subir toute cette violence et qui y est plongée bien malgré elle, ou encore par cette unité d'élite dont on ne saura jamais rien sauf qu'elle avait pour mission de taper très fort sur les méchants pour siffler la fin de la récré, échappant à toute règle et à tout contrôle.
Dans ce roman mi-récit mi-reportage, Ryan Gattis nous offre une effroyable plongée dans la fournaise de Los Angeles, la cité des anges transformée en véritable enfer, un témoignage terriblement concret de cette particularité sociologique nord américaine qui touche encore peu notre vieux continent. La lecture de Six jours est passionnante, inquiétante, et semble plus que jamais tangible compte tenu des récentes émeutes de Fergusson. Une belle surprise de cette rentrée littéraire, que je conseille vivement.