Une classe mobilisée et dominante
Si la lutte des classes n'existe plus au sens marxiste, la bourgeoisie est la seule classe sociale à avoir conscience de soi, de ses intérêts et de ses limites.
La bourgeoisie et la noblesse accumulent et entretiennent les capitaux économique, social et symbolique. En tant que dernière classe au sens marxiste, la bourgeoisie se mobilise par un travail collectif pour préserver et transmettre ses richesses à l'intérieur du groupe : les mariages endogamiques et la cooptation définissent les frontières de la classe.
Ayant conscience de leur appartenance, les bourgeois et les nobles n'ont de cesse de se retrouver entre eux, d'abord parce qu'il est agréable de se trouver parmi les personnes qui nous ressemblent, et d'autre part parce qu'il s'agit d'entretenir le capital social et affirmer chaque jour cette appartenance. À ce titre, les cercles (le Cercle du Bois de Boulogne, le Cercle de Deauville, le Jockey club, le Polo de Paris...), les rallyes qui réunissent les jeunes en vue de créer des alliances amoureuses, les activités culturelles (l'opéra, les ventes aux enchères pour les philistins), les activités sportives (le ski, le golf, la chasse à courre en Afrique) et les lieux de villégiature (les résidences privées ultra surveillées dans le monde, ou l'île Moustique...) sont autant d'occasions de multiplier les liens qui tissent le réseau bourgeois.
Toutefois, les bourgeois manifestent aussi leur mobilisation cohabitant dans les mêmes quartiers (les 6e, 8e et 16e arrondissements de Paris) et les mêmes lieux de villégiatures. L'internationalisation (par les nurses étrangères, les écoles d'élite et les études) est aussi source de mobilisation, puisque, à travers le monde entier, on se retrouve entre soi et on cultive des intérêts communs ; cette internationalisation explique par ailleurs la facilité avec laquelle la bourgeoisie s'adapte à la mondialisation.
Les nouveaux riches, les hommes d'affaire, les « parvenus », singent les étiquettes et les protocoles de la classe sociale ; mais la noblesse et la bourgeoisie se définissent par leur ancienneté davantage que par la richesse. Elles veillent à occulter, en toute discrétion, les possessions matérielles au profit des qualités personnelles des individus qui composent le groupe, et à gommer leur dépendance au système économique : « Si nous sommes riches, c'est parce que nous avons des qualités nobles, et ce n'est pas par l'exploitation des autres classes qui travaillent pour nous assurer des rentes. » Dans le même sens, les chefs d'entreprise tentent d'acquérir de ce capital symbolique en installant leurs sièges sociaux dans les quartiers bourgeois de Paris, ce qui n'est pas sans incommoder les bourgeois qui sont dépossédés de leur lieu de vie.
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http://www.bibliolingus.fr/sociologie-de-la-bourgeoisie-michel-pincon-et-monique-pincon-charlot-a80136718