Noir, c’est noir
Dans la famille d’Imre, on ne sait pas retenir les femmes. Sa grand-mère est morte brutalement, sa mère de même. Sa sœur est toujours là, mais la pauvre a été abandonnée par "l’homme à la bite", le...
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Dans la famille d’Imre, on ne sait pas retenir les femmes. Sa grand-mère est morte brutalement, sa mère de même. Sa sœur est toujours là, mais la pauvre a été abandonnée par "l’homme à la bite", le vilain Français qui l’a mise enceinte : elle ne veut plus entendre parler des hommes. Dû côté masculin, il y a son père, le bien nommé Pàl, un homme effacé qui de tout temps s’est fait rejeter comme "Russe", car né d’un viol. Le copain Zsòlt, qui fait baver d’envie Imre par son aisance. Et le grand-père, abrupt et aigri, qui m’a rappelé celui d’Enfance, de Gorki. Sombre tableau, c’est le moins qu’on puisse dire.
Alors que la Hongrie s’ouvre suite à la perestroïka, Imre se fait embaucher dans un sex shop, activité dans laquelle il s’épanouit. Et finit par trouver l’amour, en la personne de Kersten, une Allemande séduite par la rudesse de la vie hongroise, synonyme pour elle d’une authenticité perdue dans son opulent pays. Comme le reste, ça ne marchera pas : la jeune femme repartira chez elle, avec son fils. Le déclin de cette histoire d’amour n’est guère construit, est-ce la visite de sa sœur qui l’a déclenché ? Elle se retrouvera un parti pris plus ad hoc en Allemagne.
On le voit, tout cela n’est pas joyeux, à l’image de la petite maison au bord des rails qui sert de décor au roman. Ce qui n’est nullement un défaut en soi. Non, le vrai problème de ce Sombre dimanche, c’est le style. Ou plutôt, l’absence de style. Je me vois bien en peine de dégoter une perle mémorable à inclure dans cette critique. Révélateur. Les passages montrant la banalité de l’écriture, eux, foisonnent. Page 110, la phrase concluant cet extrait :
Le roulé était l'occasion hebdomadaire pour Ildiko d'essayer d'attirer l'attention de Pàl. Elle le regardait dans les yeux lorsqu'elle payait. Son regard disait : Je veux que tu me voies. Elle ne renonçait pas. Elle demandait chaque mercredi une vraie relation d'amour.
Page 131, cette métaphore très faible :
Les clients étaient émus de retrouver cette naïveté au coeur d'un antre noir et rose. Ils achetaient des sex-toys comme on achèterait un bouquet de fleurs.
Page 183, l’usage du mot compliqué, un vrai cliché contemporain employé sans cesse à la place de difficile :
Le vieil homme et Kerstin avaient une relation compliquée.
Et, lorsqu’Alice Zeniter s’essaie à une audace stylistique, c’est assez balourd. Page 113-114 :
Le bruit de ses pieds sur l'asphalte du trottoir rythmait la même phrase en boucle dans sa tête. Ta mère. Est morte. Ta mère. Est morte. Ta mère, ta mère. Est. Morte, morte, morte.
Il y a malgré tout un certain savoir-faire chez la romancière, ce Sombre dimanche se lit donc sans déplaisir. Reste qu’on est loin du très réussi L’art de perdre, ce que j’ai lu de mieux de Zeniter à ce jour.
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le 14 juil. 2023
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