Un incontournable pour tout fan de la trilogie
Dans la galaxie des produits dérivés issus de la license Star Wars et de son univers étendu il fut une époque où, à moins d’être abonné au Lucasfilm magazine (paix à son âme) ou de faire partie du fanclub officiel, il était bien difficile de se procurer un simple poster ou bien un ouvrage un peu fouillé sur la trilogie originelle. Mais ces temps sont désormais révolus et les fans auront eu ces dernières années de quoi très largement satisfaire leur passion, y compris du côté des éditeurs, dont le fan service aura donné lieu à la commercialisation d’une quantité impressionnante de bande dessinées, d’encyclopédies, de romans et de livres plus ou moins réussis sur les coulisses des productions estampillées George Lucas. De ce foisonnement éditorial, plus ou moins de bon goût, que faudra-t-il retenir ? On mettra de côté l’édition française des star wars blueprints, vendue sous la dénomination Coffret Culte à un tarif un rien prohibitif (300€), en dépit de la qualité de l’ouvrage et de son contenu forcément conséquent, son prix le réserve aux collectionneurs les plus acharnés. D’autres ouvrages tout aussi remarquables et bien meilleurs marché surnagent également au milieu de cette production pléthorique ; j’ai personnellement un petit faible pour Star wars : la magie du mythe (Mary Henderson), édition française du catalogue de l’exposition américaine qui s’est tenue en 1998 au musée national de l’air et de l’espace de Washington, qui analyse de manière très pédagogique et fort bien documentée la construction du mythe Star Wars, ses origines et ses influences (mythologiques, culturelles et historiques). Je ne m’attarderai pas sur les nombreux “beaux livres” (ou art books) publiés ces dernières années, il y a là aussi à boire et à manger mais le contenu documentaire y est souvent très ténu pour laisser un maximum d’espace à l’illustration. Il aura fallu attendre finalement une initiative des éditions Akileos, jusqu’à présent plutôt spécialisées dans la BD, pour enfin accéder au graal de tout fan qui se respecte : l’édition française de la série Making of, conçue par Jonathan Rinzler. Curieusement, les éditions Akileos ont choisi l’année dernière de publier en premier le making of de L’empire contre attaque, puis de suivre le cours normal des choses en publiant en novembre 2014 de Making of de l’épisode IV et en novembre 2015 celui du Retour du Jedi. Les raisons de cette inversion éditoriale demeurent obscures et représentent davantage un contretemps qu’un réel faux-pas de l’éditeur. Pour le reste il s’agit d’une grande réussite car l’édition anglo-saxonne de ces trois ouvrages rassemble une somme considérable d’informations, d’anecdotes et de documents de première main, voire pour certains totalement inédits.
Les deux livres sont identiques concernant leur format et leur mise en page : 372 pages type papier glacé, format italien, couverture cartonnée aspect tissus (agrémentée d’une discrète sérigraphie), jaquette sobrement illustrée, reliure cousue… bref, du solide à défaut d’être incroyablement original. L’inconvénient c’est que l’objet est assez lourd à manipuler, oubliez la lecture pépère au plumard, il vous faudra être bien installé à plat sur une table pour en profiter, d’autant plus que la taille des caractères du texte (petits il faut bien l’avouer) et le format paysage incitent à être assis confortablement pour ne pas se fatiguer inutilement par des allers-retours visuels et des manipulations incessantes pour bien caler l’ouvrage. Autre inconvénient, le contenu informationnel étant très dense, les illustrations restent relativement sobres, la mise en page certes très agréable ne laisse que rarement place à des illustrations pleine page, ce qui est évidemment regrettable mais aisément compréhensible au regard du positionnement tarifaire de l’ouvrage (55€) ; il s’agit là d’un compromis qui évite à l’éditeur de publier un ouvrage aussi onéreux que Star Wars blueprints, certes très luxueux mais hélas hors de prix. Cela dit, même vendus une centaine d’euros chacun, ces Making of resteraient hautement recommandables au vu de la qualité du contenu.
Le terme making of n’est d’ailleurs ici pas usurpé, oubliez les bonus essentiellement promotionnels que l’on retrouve systématiquement sur DVD, la démarche est dans le cas présent quasiment historique. Jonathan Rinzler a exhumé des archives de Lucasfilm une quantité phénoménale de documents (rapports de tournage, documents financiers, storyboards, photographies, interviews, notes manuscrites, ébauches de scénario…) afin de reconstruire patiemment la genèse de la trilogie. De l’élaboration du scénario en passant par le montage financier, le casting, les effets spéciaux, le tournage, les costumes… tous les aspects de la production star wars sont évoqués de manière chronologique, avec une profondeur d’analyse et une qualité de narration qui forcent le respect. On est loin de l’anecdotique, Rinzler s’attache au contraire à ce qui fait sens, aux difficultés de la production, aux solutions techniques apportées par les différentes équipes, à la dimension révolutionnaire du projet, à la fois dans son approche du cinéma de science-fiction et dans ses méthodes. On aurait pu sombrer dans l’hagiographique ou bien encore dans la chronique basique, mais ce qui fait la force de ces making of, c’est la qualité du matériel éditorial et en particulier des documents inédits. Aussi surprenant que cela puisse paraître au vu de la quantité d’ouvrages publiés sur le sujet, aucun livre n’avait jusqu’à présent réussi à plonger le lecteur de manière aussi intense au coeur de la production de la trilogie star wars, au point de faire figure désormais d’incontournable dans la bibliothèque de tout amateur de l’univers créé par Georges Lucas. Evidemment, l’ouvrage reste dans une certaine mesure généraliste et pour se documenter de manière plus approfondi sur certains aspects bien particuliers de la production ou de l’univers étendu il faudra se tourner vers des livres plus ciblés et plus complets : Star Wars Blueprints pour les maquettes par exemple, ou Star Wars Costumes pour le travail sur les costumes, avec devinez qui aux commandes… oui oui, Jonathan Rinzler.
PS : léger détail, mais qui pourra néanmoins en agacer certains, la traduction de l’ouvrage est parfois perfectible et le travail de relecture pas forcément exemplaire. Akileos reste une structure modeste avec des moyens loin d’égaler les grandes maisons d’édition, on pardonnera donc ce petit écart, d’autant plus que le Making of de l’épisode IV semble moins touché par ce problème.
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