Sukkwan Island par francoisemarquez
Incroyable huit clos entre un père et son fils de 13 ans sur l'ile de Sukkwan au nord de l'Alaska.
On comprend tout de suite que le père a voulu partager avec son fils une expérience qu'il pensait riche et au plus proche de la nature avec l'aventure, le retour aux sources, l'état quasi sauvage, l'essentiel et les paysages splendides, la pêche, la chasse, la construction de la cabane. Sauf que l'on comprend aussi assez vite que psychologiquement il déraille assez le père, il est irresponsable et immature et n'a absolument pas réfléchi à ce que pourrait visiblement être leur vie là-bas pendant un an et tout devient vite un calvaire. Finalement c'est le fils (qui a accepté de venir pour ne pas laisser son père seul ... ) qui fait preuve d'un bon sens d'analyse : son père est au bord du désespoir, de l'abîme, du gouffre et il assiste impuissant aux séances nocturnes de larmes, aux crises d'angoisse et aux tentatives de suicide. Il reste pourtant là comprenant que cette expérience, si elle aboutit, contribuera au mieux être de son raté de père qui a foiré le moindre de ses projets.
Sauf que tout bascule en une fraction de seconde et tout bascule pour tout le monde y compris nous, lecteurs, qui nous trouverons plongés dans cette deuxième partie dans un drame psycho avec pour toile de fond la solitude, l'enfance ratée, les espoirs de vie déchus, les souffrances, l'inconscience, l'incompréhension, le vide, la folie des hommes, la folie tout court.
On ne referme pas ce livre si noir avant de l'avoir terminé et on le referme avec le souffle court. Terriblement angoissant. Puis on va lire la vie de l'auteur, David Vann, et on comprend beaucoup de choses.
Extrait : « Mais il se demandait pourquoi ils étaient là, quand tout ce qui semblait important à son père se trouvait ailleurs. Cela ne lui semblait pas logique du tout que son père soit venu s'installer ici. Il commençait à se demander si son père avait échoué à trouver une meilleur façon de vivre , si tout cela n'était pas qu'un plan de secours et si Roy, lui aussi, ne faisait pas partie d'un immense désespoir qui collait à son père partout où il allait. »