Alors Buk est quelqu’un de difficile à classer. Et d’ailleurs à quoi bon classer, c’est juste un truc de journaleux. Bref, tentons toutefois de se plier à l’excercie… Beaucoup considèrent Bukowski comme un mètre étalon de la contre-culture si tant est que l’on puisse étlaonner la contre-culture. On a tendance à le considérer comme un post-Beat, un peu à la manière du canadien Richard Brautigan. A ce titre, le bouquin de Jean-François Duval « Buk et les Beats : essai sur la Beat Generation » était très intéressant puisqu’il revenait sur les liens entre Bukowski et la Beat Generation (comme son titre l’indique fort judicieusement). La Beat Generation qui n’était d’ailleurs pas un mouvement, un courant ou quelque chose de cet acabit. Les auteurs ne se sont jamais définis comme représentant la Beat Generation, ce terme étant une pure invention journalistique. Un gratte papier l’a écrit dans quelque journal et tout le monde a repris ce label la bouche en cœur, sans trop s’attacher à ce que les écrivains intéressés avaient à en dire.
Bref, On voit à travers le bouquin de Duval que Bukowski appréciait le travail de Kerouac et peut-être aussi ce qu’il représentait. En revanche point de tendresse à l’égard d’Allen Ginsberg, poète, auteur de Howl et une des figures les plus médiatiques de ce courant. Ayant la médiatisation et de la starification en horreur, sans doute l’aversion de Bukowski est-elle en partie due à l’implication de Ginsberg dans ce registre. Dans son bouquin « Sur l’écriture », il évoque Ginsberg, l’égratigne, pour rester poli. Mais l’aversion de Buk pour un autre écrivain n’a rien de bien original ou d’unique. Nombreux sont ceux qu’il critique vertement. Faulkner, Keats, pour ne citer que deux des plus fameux noms des lettres anglaises (et américaines, par capillarité).
En 2012 était sorti « Sheakspeare n’a jamais fait ça », sorte de carnet d’un voyage européen que Bukowski avait fait en compagnie de sa femme et du photographe Michael Montfort. Deux ans plus tard, « Le retour du vieux dégueulasse » fait son apparition en librairie. Là, on se dit, pas possible, Buk serait revenu d’entre les morts pour nous avoiner encore ses saloperies ? En rien. Il s’agit de quelques fonds de tiroir dépoussiérés. Il faut toujours se méfier des fonds de tiroir. A juste titre tant ce genre de parution vise en général, davantage à faire sourire le banquier de l’éditeur qu’à émerveiller le lecteur, l’amateur éclairé, l’inconditionnel. Grasset était même allé jusqu’à reprendre le même type de couverture que celle du vieux dégueulasse. Reste que le contenu était tout à fait honorable, avec, dans la plus pure veine Bukowskienne, du bon et du moins bon.
Un an plus tard sortait « Un carnet tâché de vin » recueil de chroniques et de nouvelles. Alors là on se dit qu’à ce rythme là, on est bon pour se fader des œuvres posthumes sur plus d’une décennie tant Bukowski avait été prolifique et qu’il ne faut pas douter du fait que l’on retrouvera bien à plus ou moins long/court terme, quelques nouvelles parues dans d’obscures revues. Car dans les premiers temps, Buk fonctionnait essentiellement avec des publications dans des revues. Il envoyait nouvelles et poèmes par brassées, se heurtant souvent à des revers cuisants, comme cela est révélé à travers certaines lettres dans « Sur l’écriture », justement. Confrontant des sources qui diffèrent, certaines évoquant des fonds de tiroir et d’autres évoquant non des fonds de tiroirs mais un authentique nouvel ouvrage comportant nouvelles et chroniques, nous allons procéder à une clarification somme toute macronnienne en évoquant des fonds de tiroirs ayant permis un ouvrage inédit composé de nouvelles et de chroniques.
Si dans un carnet tache de vin, on trouve des considérations sur la littérature, et sur certains de ses référents (Hemingway, Ezra Pound…) on retrouve dans « Sur l’écriture », une approche assez similaire. Pour un écrivain, la question de l’écriture est fondamentale, c’est la fameuse question de la « cuisine ». Dans le même esprit, la maison d’édition americaine Scribner a publié une sélection de textes d’Ernest Hemingway intitulés « On writing », voyez comme la parentée est proche dans la démarche, comme dans le titre (dans la même idée, La découverte a publié en 2016 un Jack London « profession écrivain », recueil de textes dans lesquels London évoque l’écriture et tout ce qui s’y rattache). Avec « Sur l’écriture » de Bukowski, on a une sélection de lettres publiées dans un ordre chronologique, ce qui est pertinent car cela permet d’observer l’évolution du personnage de 1945 à 1993 soit près d’un demi-siècle.
De nombreuses lettres, donc, parfois agrémentées de dessins.
On regrettera le fait qu’il manque peut-être les lettres des destinataires, ce qui fait que l’on passe parfois un peu à côté du propos. C’est le problème récurrent avec ce type d’ouvrages. Publier les lettres des correspondants aurait sans doute gonflé l’ouvrage de façon superficielle. Parmi les correspondants, on compte des éditeurs, des amis mais aussi des écrivains comme Harold Norse, Lawrence Ferlinghetti, John Fante ou Henry Miller. On y parle parfois de tout et rien, de littérature et de menue monnaie.
Un ouvrage à recommander aux amateurs de littérature, à ceux qui s’intéressent à l’envers du décor. Une bonne façon de découvrir aussi à quel prix se bâtit une renommée littéraire.


Chronique vidéo à consulter sur le blog : http://lelibrairetemeraire.blogspot.com/2018/05/charles-bukowski-sur-lecriture.html

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le 21 juin 2018

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Anthony Boyer

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