Dana Halter , une jeune femme de trente-trois ans est sur les nerfs, elle a rendez vous chez le dentiste, et comme d'habitude elle est en retard. Il faut dire qu'elle est sourde, ce qui lui pose certains problèmes dans la vie de tout les jours. Elle monte dans sa voiture et fonce vers le cabinet, pour combler son retard elle se permet de griller un stop. Ce qui devait arriver arrive, un policier l'arrête, elle comprend qu'il lui demande ses papiers, elle les lui donne, très angoissée par cette situation. Le représentant de l'ordre va vérifier quelque chose à sa voiture, il met du temps à revenir, ce qui irrite et inquiète Dana. Elle commence à s'impatienter quand elle le voit revenir, son comportement a totalement changé, il y a des signes d'agressivité dans ses façons. Dana se retrouve menottée sans comprendre ce qu'il lui arrive, elle se débat, mais elle est emmenée au poste de police. Une fois arrivée, on appelle un interprète qui lui explique qu'elle est accusée de nombreux délits dont un braquage et que plusieurs États la ont lancé un mandat d'arrêt contre elle, notamment le comté de Tulare dont elle ignorait jusque là l'existence. Son monde s'écroule, elle utilise son coup de téléphone pour faire appeller son petit ami infographiste: Bridger Martin. Quand celui-ci arrive elle est déjà incarcérée, au milieu de prostituées, de droguées et/ou alcooliques, des femmes violentes qui vont abuser de son handicap. Impossible de la faire sortir de là, puisque plusieurs juridictions la recherchent. Il faut attendre le procès quelques jours plus tard. Ce jour là, il retrouve Dana en piteux état, l'avocate commise d'office de celle-ci arrive à prouver son innocence. Et le mot tombe : "usurpation d'identité", un homme dont on ne sait rien se sert de son nom et lui vole sa vie entière. Elle a beau être disculpée la justice ne peut rien faire de mieux, il continuera à la dépouiller. Dana décide alors d'embarquer son fiancé dans une course-poursuite à travers les Etats-unis pour retrouver celui qui lui a pris nom.
Le titre du livre, Talk Talk, est une expression utilisée pour le bruit que font plusieurs sourds quand ils se retrouvent, ils parlent beaucoup, avec leurs mains mais vocalisent aussi ce qui veulent dire, ce qui pour les entendants crée une espèce de cacophonie incompréhensible. Le roman est découpé en 5 parties, elles mêmes composées de chapitres, à partir de la 2e partie, Boyle alterne les points de vue des héros Dana et Bridger, et du voleur d'identité: Peck (William) Wilson. Chacun avec ses doutes, ses colères, ses espoirs. Sans que l'auteur juge l'un ou l'autre. Peck est un homme sanguin, qui pense que la vie s'acharne contre lui et qu'il mérite mieux, il se donne les moyens de vivre comme il le désire, et ne voit pas comment on peut lui reprocher. Dana est une femme très sensible, à fleur de peau, qui a un rapport tout à fait particulier au monde extérieur, en grande partie à cause de sa surdité. Elle adore aller en boîte quand il y a de la musique très fort, parce que les vibrations résonnent en elle, quand elle parle, elle savoure chaque mot, chaque syllabe, les décomposant dans sa tête et s'interroge sur les étymologies diverses. Elle a eu un doctorat et elle écrit un livre appelé, l'Enfant sauvage, dont le protagoniste est comme elle, isolé dans un environnement hostile. Elle pratique ce qu'on appelle le béhaviorisme : par l'observation du comportement et gestes des gens on peut lire leurs humeurs, leurs intentions, leurs mensonges parfois. Le personnage de Bridger est une sorte de geek, il passe tout son temps derrière son ordinateur, à travailler sur des effets spéciaux d'une parodie de Star Wars. Chaque personnage est vrai, unique et imprévisible. C'est un roman profondément ancré dans son temps avec de nombreuses références aux technologies modernes, à la mode, aux comportements sociaux ambiants. On en apprend plus sur la surdité, les implants cochléaires qui permettent à certains types de sourds de retrouver partiellement ou totalement l'audition, ceux-ci contrairement à ce que pourraient penser les entendants sont plutôt mal vus dans la communauté des sourds, où certains revendiquent même la "Deaf Power". La lecture sur les lèvres est aussi traitée, et, du fait des divers accents, tics de langage etc, il est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît de comprendre un entendant, on ne peut lire qu'environ 30% du message, le contexte permettant de deviner le reste. On découvre également la géographie états-unienne, puisque les protagonistes, font le voyage depuis la Californie du Sud jusqu'à New York, on a donc un magnifique aperçu des paysages et coutumes sur la route. Talk Talk est un très bon roman, moderne (ce qui pour moi est un petit moins), qui ne s'apitoie pas sur la surdité et dont l'intrigue ne s'essouffle jamais au long de ces 400 et quelques pages, à recommander vivement.