Évêque puis marié, ministre de la république, de l’empereur et du roi, entrepreneur solitaire dans les plaines sauvages d’Amérique à grand chambellan aux Tuileries, peu d’hommes peuvent se targuer d’avoir eu une vie aussi bigarrée que Charles-Maurice de Talleyrand.
L’intérêt de Waresquiel pour le personnage est donc compréhensible, sinon naturel. Plus que de l’intérêt, c’est presque de l’admiration que l’on sent parfois sourdre dans les écrits du biographe. Mais ne faut-il pas être fasciné par un homme pour narrer sa vie sur près de huit cents pages ? Grâce à une exploration d’archives en France et à l’étranger , une connaissance sans égale du XVIIIème et XIXème siècles, un accès privilégié à des lettres d’époque, l’ouvrage est effectivement dense (peut-être même parfois un peu difficile pour le néophyte), foisonne d’anecdotes et présente les très nombreuses facettes de Talleyrand.
Car c’est bien là où réside la richesse de cette œuvre : un portrait complexe mais équilibré, à rebours de celui au vitriol qui s’est généralisé. Concussions omniprésentes mais fervent défenseur des intérêts français, prêta 13 serments tout en se battant avec constance pour ses idées libérales, comprit les mutations de son époque en restant l’expression du plus pur mode de vie Ancien-Régime : l’homme ne fut pas le diable sans valeur ni éthique très souvent dépeint. Au-delà des questions morales, ce furent plutôt l’intelligence, la finesse et le tact qui caractérisèrent le ministre.
Si vous avez le sentiment que la race des grands hommes d’État s’est éteinte en France, alors vous prendrez plaisir à vous plonger dans cet ouvrage. Waresquiel a su, par sa plume et son travail, délivrer une excellente biographie dont le caractère rocambolesque vous tiendra en haleine tout du long.