Ceci n'est pas un roman plutôt un essai plus précisément l'étude anthropologique d'une famille de fermiers du "Old South" des Etats Unis dans les années 30. En fait c'est tout cela à la fois. Parfois même on peut avoir l'impression de lire une pièce de théâtre. Pour ce faire WF utilise un scénario, une mise en scène où il balade ses "Withe trash" dans une errance tragi-comique délirante et nauséeuse. Premier constat pas facile pour le lecteur d'entrer dans cet univers et pourtant si on est patient les pièces s'emboitent petit à petit et les concepts sous jacents étudiés se mettent en place.
Comme toujours chez de si grands auteurs nous retrouvons :
- La mort : fil conducteur à travers la mise en scène sordide du décès programmé d'Addie.
- La bêtise humaine : A travers Anse tout particulièrement que l'on a envie d'étriller à chaque fois qu'il prend la parole mais sinon toute la famille.
- La haine au coeur de nombreuses relations.
- La misère intellectuelle, culturelle surtout car elle enfonce les protagonistes encore plus profond dans le dénuement, la pauvreté et l'horreur.
- La religion abrutissante et sa pitié malsaine.
- La folie présente tout au long du récit et s'incarnant violemment en Darl...
Au vu des thèmes on comprend aisément que ce texte qui à notre époque pourrait presque apparaitre comme un récit historique n'est pas prêt de se démoder.
Le style très pur et beau combine introspection des personnages, récit et dialogue, saute d'un personnage à un autre et malmène la chronologie. Les tourments (il n'est pas question de joie) des uns et des autres s'entremêlent, se mélangent comme dans un pot de confiture multi fruits. La condition humaine s'étale dans toute sa laideur. Choix de l'auteur : le rire, les sourires sont absents de même que la beauté. Tout est morne, gris, désolé, misérable, minable, vaste et petit à la fois. Donc une lecture difficile au début qui s'éclaircit au fur et à mesure de la tournée des pages. Pour beaucoup il faudra la moitié du livre pour s'habituer pour certains, s'ils arrivent au bout il ne restera qu'un vague sentiment d'incomplétude et d'incompréhension. Dans mon cas il aura fallu presque deux tiers pour recevoir enfin "La lumière" à la lecture du chapitre "Addie".
Oui "Tandis que j'agonise" est un grand bouquin et oui on peut dire que c'est un effort de lecture parfois ennuyeux mais non pour contrer Charles Bukowski que l'on ne peut qu'adorer, ce n'est pas de la merde !
"Faulkner très souvent c'est de la merde, enfin de la merde intelligente, bien sapée, et quand il sera mort ils auront du mal à lui cirer les pompes parce qu'ils le comprennent pas tout à fait, et ne le comprenant pas, les parties lourdes et ennuyeuses, la quantité d'italiques, ils mettront ça sur le compte du génie".
ou encore
"je suis parfaitement conscient qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de la poésie - d'ailleurs, on n'ouvre pas sans ennui les recueils des grandes gloires,
Il n'y a pas de règles à ce que l'on peut ressentir en posant un livre lorsque il est terminé. Clairement pour ce "Tandis que j'agonise", nous sommes loin d'un divertissement. Nous ne serons donc pas souriants ou émus mais plutôt chamboulés, dérangés et un peu mal à l'aise si la lumière s'est faite. Une fois encore nous aurons reçu une leçon d'Humanité mais aussi de Haine. Des pleurs sur le sort de ces pauvres gens, jouets d'un bien triste destin, des pleurs sur notre misère et notre inéluctable tragédie. Des cris de rage devant une telle bêtise et devant la bêtise qui règne encore et règnera on peut le craindre toujours.