Voyage ennuyeux
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Un couple usé, en vacances pour une semaine en Sicile dans l'espoir de repartir d'un bon pied, heurte par accident une forme non identifiée. L'aile de la voiture de location est abîmée, il faut réparer. Cette réparation va devenir d'autant plus cruciale que la forme en question va s'avérer être un enfant de migrant. Il va donc s'agir d'effacer les traces de l'accident mortel. Traqué par la police, notre couple aux abois va se faire copieusement exploiter par un garagiste et sa clique aux airs de mafieux. Tout cela conté dans une langue simple comme la privilégient Les éditions de Minuit, versant selon moi plutôt dans la banalité que dans la force de l'épure. Yves Ravey n'est ni Tanguy Viel, ni Vincent Almendros.
Commençons par deux invraisemblances. Je n'ai jamais pu croire que, heurtant un poids conséquent, Melvil ne sorte pas de sa voiture pour savoir ce qu'il en est : le réflexe me semble irrésistible. Deuxièmement, je note un problème vis-à-vis de la langue : alors que notre homme ne parle pas l'italien au début du roman, obligé en cela de recourir à sa femme pour la traduction, il négocie avec le garagiste à la fin en saisissant tout ce que l'autre lui raconte. Quels progrès rapides...
Heureusement, le roman de Ravey a aussi pour lui quelques atouts, à commencer par le sous-texte de cette histoire. Melvil et Luisa réagissent en effet d'une façon différente au drame qui est survenu : Melvil ne cherche qu'une chose, sauver sa semaine de vacances et au-delà son couple, il rejette donc toute hypothèse lui imputant le décès de cet enfant retrouvé sans vie ; Luisa, elle, semble moins en demande de ce nouveau départ conjugal, elle culpabilise de ce qui est arrivé, tout en étant tentée d'oublier et se ranger, donc, régulièrement, aux options que lui propose son mari. Il y a là une métaphore de l'Occident vis-à-vis des migrants : on voit un enfant échoué sur une plage turque, on s'indigne comme Luisa mais on ne tarde pas à privilégier ce qui nous concerne directement comme Melvil, donc à passer à autre chose.
Dans ce couple, Luisa domine. Melvil est incapable de trouver un boulot stable, il vit plus ou moins aux crochets de son beau-père qu'on devine riche. Il est en demande vis-à-vis de sa femme alors que la réciproque est nettement moins vraie. On apprend que c'est elle qui l'a trompé à plusieurs reprises. Si Melvil incarne l'Occident égoïste, il a faux sur toute la ligne.
Globalement, le roman ne m'a guère enthousiasmé. Correctement écrit mais trop court donc trop vite lu, ce Taormine ne réunit sans doute pas assez d'atouts pour marquer durablement et je suis bien en peine de citer un passage remarquable comme je le fais d'habitude.
J'ai en revanche beaucoup aimé la fin : en un paragraphe, le couple se retrouve dans la situation des migrants. On peut y voir une métaphore du changement climatique : comme Melvil qui soutient que rien ne prouve qu'il ait heurté l'enfant, l'Occident nie l'évidence de sa responsabilité dans le réchauffement planétaire. Jusqu'au jour où il sera vraiment touché dans sa chair, comme le couple à la fin du récit. Le caractère abrupt de cette issue très ironique est assez réjouissant. Un lot de consolation tombé du ciel, in extrémis.
6,5
Créée
le 13 déc. 2023
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