Taras Boulba
7.5
Taras Boulba

livre de Nicolas Gogol (1843)

Oui c'est épique. Mais alors je savais que c'était antisémite mais je ne pensais pas que ça le serait à ce point. Et oui, ça influe sur la note, désolé.


Je ne vais pas faire la fine bouche : il y a quelque chose de fascinant dans ce roman, que j'imaginais plus drôle qu'il ne serait. Il se situe dans la plaine du Dniepr au XVIIIe siècle.


Le mieux est d'en faire le synopsis. On suit un Cosaque légendaire, Taras Boulba (qui d'après le texte devrait peser 300 kilos !). Il accueille ses fistons, André et Ostap,qui sont allés étudier au séminaire à Kiev, ville corrompue par le catholicisme polonais des Jagellons. Heureusement Taras fait tout pour que ses fils ne deviennent pas des mauviettes : il les emmène au Setch, base des Zaporogues. Les jeunes gens se font à la vie chaotique, virile, alcoolisée et violente du Setch. Arrive un messager : les Polonais vont confier les églises aux Juifs, et autres récits d'exploitation. Les Cosaques se réveillent et partent faire la guerre.


Ils assiègent la ville de Doubno. Pas de chance, dans la ville se trouve une riche polonaise dont André est tombé amoureux : il passe par un chemin et trahit son père. Deuxième coup de malchance : les Tatars attaquent au sud, obligeant le gros de l'armée cosaque à partir. Taras prend la tête de l'armée restée à Doubno. Il affronte André, qu'il tue de ses mains. Mais isolé, il est assommé tandis que son dernier fils, Ostap, est fait prisonnier. Effondré, Taras demande au Juif Yankel de l'aider à pénétrer incognito la ville pour assister à l'exécution de son fils. Il y assiste, puis s'échappe. Et mène ensuite une guerre totale aux Polonais, avant d'être capturé puis brûlé en public.

L'histoire est simple, avec des personnages bien campés et très univoques : on est ici à cheval entre la littérature nationaliste et la littérature pour enfants.


Il y a une dimension épique évidente, en particulier dans le passage sur le siège de Doubno : catalogues de noms de braves, violence hyperbolique, scènes macabres sur les corbeaux guettant les yeux des cadavres à becquetter, exaltation du courage viril qui défie la mort, etc...


Il y a une dimension nationaliste, qui s'efforce de retranscrire le sarmatisme, ou en tout cas cette vie cosaque qui aime faire la bamboche, tout casser, vivre hors des conventions sociales et des considérations économiques. Et vas-y que je dors bourré au milieu de la chaussée, que je dépense tout mon argent de manière extravagante, que je m'échauffe brutalement l'esprit. Cette pureté brutale, dont Gogol exalte les accès de sauvagerie (et là on parle de bébés écorchés, de femmes écartelées hein), est menacée par de nombreux risques de décadence :

- Les Tatars et les Turcs, car ils sont mahométans et cruels.

- Les Polonais, car ils sont catholiques, décadents et corrompus. Ces gens dorment dans des lits, et ont des monastères avec des vitraux !

- Les Juifs. Ils sont fourbes, obsédés par l'argent, noyautent toutes les villes et prennent parti pour les uns ou les autres en fonction de leur intérêt, alors que ce sont des pleutres et des parasites. Leurs enfants vivent dans la saleté, etc...


Mon Dieu, j'ai bien écrit ces phrases. Et pourtant, même s'il y a dans le livre quelques allusions aux persécutions dont souffrent les Juifs, Dieu sait que chaque personnage non-Juif les traite comme une souillure avec lequel il faut composer.


Alors bien sûr, on peut "remettre les choses dans leur contexte". Mais enfin bon, ce texte véhicule vraiment un condensé des clichés racistes que l'on trouvera dans Mein Kampf, au point que c'en est fascinant.


Et c'est terrible, car sinon l'histoire est prenante, on finit par aimer ces grosses brutes avides de sang. Seulement voilà, nous sommes au XXIe siècle, et en-dehors de la curiosité pour le mode de vie cosaque et de son style, ce roman n'est plus acceptable aujourd'hui.

zardoz6704
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le 27 oct. 2022

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